Immigration, loi et diversion

Le budget n’a même pas encore fait l’objet d’un débat complet à l’Assemblée nationale que le gouvernement assure déjà qu’une nouvelle loi immigration sera présentée en 2025. Ou comment allumer des contre-feux en désignant un bouc-émissaire : l’étranger.

Pierre Jacquemain  • 16 octobre 2024
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Immigration, loi et diversion
Manifestation contre la loi immigration, à Paris, le 21 janvier 2024.
© Michel Soudais

Pour faire diversion, rien de plus simple que d’allumer des contre-feux. C’est la stratégie de Michel Barnier et de son gouvernement, pris la main dans le sac en train de fabriquer un budget de super austérité – le plus sévère de la Ve République, a même confié à Politis le président de la commission des finances Éric Coquerel – et qui va toucher non pas les plus riches d’entre nous, comme ils essaient
de le faire croire, mais tous les Français, à commencer par les plus pauvres d’entre nous.

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Et si le responsable de tous nos problèmes était l’étranger, l’immigré, l’exilé ? Le budget n’a même pas encore fait l’objet d’un débat complet à l’Assemblée nationale – il ne sera d’ailleurs pas même soumis au vote, le 49.3 étant quasi acquis – que le gouvernement assure déjà qu’une nouvelle loi immigration sera présentée en 2025. Personne, pas même le premier ministre, pas même les membres du gouvernement,
et surtout pas même le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui la portera, ne sait ce que cette loi comportera mais il faut déjà donner des gages à Marine Le Pen et faire diversion. Trouver le bouc émissaire : l’étranger.

La droite et ce qu’il reste de la Macronie n’hésitent pas à user des arguments les plus ignobles en opposant les populations.

Et pour justifier ce petit tour de passe-passe, la droite associée à ce qu’il reste de la Macronie n’hésite pas à user des arguments les plus ignobles en opposant les populations. Diviser pour mieux régner : « Comment allez-vous expliquer aux Français que vous allez leur demander des efforts, de payer des impôts, des taxes un peu partout, qu’on va leur faire moins de politiques publiques pour eux et en même temps que toutes les dépenses liées à l’immigration augmentent », a osé Valérie Pécresse sur BFM, ce lundi 14 octobre.

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Et qui s’indigne dans la foulée de la réduction de 50 % des prix des transports publics pour les « clandestins ». « Quand on est trop généreux, on attire des personnes qu’on n’a pas envie d’accueillir », a-t-elle expliqué tout en assurant que les exilés comparent les pays d’accueil pour choisir leur destination, la France étant la plus accueillante, selon elle.

Voici donc leur nouvelle bataille : après s’être attaqué aux droits d’asile et aux droits des étrangers, il faudrait désormais tout faire pour dissuader les exilés de choisir la France. La démonstration de la présidente de la région Île-de-France est fausse mais elle est efficace. À peu près aussi efficace que le tract de Jean-Marie Le Pen des années 1980 : « 1 million de chômeurs c’est 1 million d’immigrés de trop ! »

Jouer sur les peurs et les fantasmes. Sauf que ça n’est pas le Front national qui est à l’œuvre.

C’est faux mais le slogan est efficace. Leurs méthodes n’ont pas changé. Jouer sur les peurs et les fantasmes. Sauf que ça n’est pas le Front national qui est à l’œuvre. Ça n’est plus seulement le Rassemblement national qui use et abuse de ces procédés. C’est la droite dite classique. Qui n’a plus de républicaine que le nom.

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En réalité, en nommant Michel Barnier à Matignon, Emmanuel Macron n’a pas seulement nommé la personnalité la plus RN-compatible. Il a nommé l’artisan de l’alliance des droites et de l’extrême droite. Et cette alliance ne tient pas juste parce que Marine Le Pen en a décidé ainsi. Cette alliance tient parce que les députés macronistes ont décidé de ne pas y faire obstacle.

Parce que s’ils additionnaient leurs voix à celles du Nouveau Front populaire, une majorité se dégagerait pour mettre un terme aux dérives fascisantes de ce gouvernement qui entend – par cet énième projet de loi sur l’immigration qui projette de réintroduire des articles de la loi Darmanin censurés par le Conseil constitutionnel – s’asseoir sur le principe même d’État de droit. Retailleau avait prévenu !

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Parti pris

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