Présidentielle américaine : un enjeu planétaire
Le doute n’est plus permis aujourd’hui. Trump est un fasciste. Candidate du « moindre mal », Kamala Harris se dresse en ultime rempart face à celui qui incarne le pire pour les femmes, les immigrés et les populations racisées.
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Que Trump va-t-il faire de sa victoire ? Fake news, maladie incurable de la démocratie Pour l’équipe de Kamala Harris, la stratégie acharnée du porte-à-porte Pouvoir et médias : l’art de fasciser l’espace publicObservateurs impuissants et lointains de l’élection américaine du 5 novembre, nous ne pouvons, face au risque du pire, que faire le choix platonique du « moindre mal », en espérant que les électeurs auront la même sagesse. Un espoir fragile dans un pays porté à incandescence par une campagne d’une violence sans précédent. Candidate du « moindre mal », Kamala Harris serait, sur notre échiquier politique, une politicienne de centre-droit. Rien qui puisse nous fasciner. Mais telle qu’elle est, moins sociale que Joe Biden, encore plus réactionnaire à l’international, à peine plus sensible à la question écologique, mais progressiste sur le plan des mœurs, elle est l’ultime rempart face à Donald Trump qui incarne le pire pour les femmes, pour les immigrés et pour les populations racisées.
Après des années de refoulement, c’est cette Amérique qui ressurgit autour de la haine des migrants.
Le pire, parce qu’il met en mouvement des forces obscures sorties des entrailles de l’histoire de ce pays. Mais le pire, aussi, pour nous autres, spectateurs impuissants. Car la victoire de Donald Trump provoquerait une onde de choc sur la planète entière. C’est le privilège des États-Unis, pays du dollar, de la surpuissance militaire, et d’un pouvoir technologique et culturel qui ne faiblit pas, que d’agir massivement sur nos destins. Songeons un instant à ce que deviendrait le monde si ce pays tombait dans l’escarcelle d’un fasciste.
Car tel est aujourd’hui l’enjeu. Si son côté « populiste-populaire » a pu faire illusion en 2016, parfois même, hélas, au sein de notre gauche, le doute n’est plus permis aujourd’hui. Trump est un fasciste. Certes, il n’a pas à sa botte une armée marchant au pas de l’oie, pas d’uniformes et d’oriflammes, mais des troupes qui se présentent sous la forme d’une foule bigarrée et déjantée, à l’image de la horde qui donna l’assaut au Capitole le 6 janvier 2021, et qui brûlent déjà les livres. Une foule mue par ce que l’écrivain Douglas Kennedy appelle « un racisme psychique ». Après des années de refoulement, c’est cette Amérique qui ressurgit autour de la haine des migrants, « ces ennemis de l’intérieur […] cette raclure […] cette vermine », comme les qualifie Trump, qui promet contre eux de « défendre notre civilisation ».
Quoi qu’il advienne le 5 novembre, la violence et la haine de la démocratie continueront de faire des ravages.
Contre ceux qui s’aviseraient de résister, « des fous radicaux de gauche », il annonce sans ambages qu’il fera donner « la Garde nationale et pourquoi pas l’armée » (1). Il y faut ajouter la croisade contre le droit à l’avortement, et la propagation d’un poison mortel pour une communauté humaine : la mise en doute de tout ce qui doit faire langage commun. Ce qui est effrayant, c’est que Trump promet de mobiliser les moyens de l’État en renfort des groupes de pression déjà à l’œuvre pour imposer leur fanatisme. Une partie des institutions, notamment la Cour suprême, est dans sa main. Les conjurés du 6 janvier 2021 n’auraient plus à forcer les portes du pouvoir, ils y seraient chez eux.
J’emprunte ces citations à la remarquable tribune de Sylvie Laurent dans Libération du 28 octobre.
Mais le basculement des États-Unis dans un régime de violence et de déni démocratique aurait aussi des conséquences incalculables sur le reste du monde. Que ferait Trump en Ukraine, au Moyen-Orient, à Taïwan ? Comment manifesterait-il sa haine de l’Europe ? Jusqu’où le conduirait son mépris pour l’environnement ? Par un extraordinaire retournement de l’histoire, ce président américain aurait sa place au côté des dirigeants les plus autoritaires de ce qu’on appelle un peu vite « le Sud global », autocrates illibéraux ou dictateurs qui s’associent précisément… pour contrecarrer l’influence américaine. Ce scénario catastrophe sera peut-être évité.
À une semaine de ce scrutin, qui se jouera, dit-on, à quelques milliers de voix dans ces États pivots, les fameux swing states, tous les pronostics seraient hasardeux. Raison de plus pour espérer que la gauche résistera à la tentation narcissique d’un vote dit « de conviction ». Ainsi, la candidate écolo Jill Stein, si proche de nous, pourrait priver Harris de quelques milliers de voix décisives dans le Michigan et le Wisconsin. Si l’expression « bonnet blanc et blanc bonnet » existe dans la langue de Faulkner, il est, dans le cas présent, urgent de l’oublier… Mais, quoi qu’il advienne le 5 novembre, la violence et la haine de la démocratie continueront de faire des ravages. Des groupes ensauvagés, surarmés et émancipés de toute entrave juridique ont désappris pour longtemps le respect de l’autre. Le risque de guerre civile est réel.
Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.
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