Comment l’Europe va-t-elle réagir à la réélection de Trump ?

Le fraîchement réélu Donald défendra l’hégémonie américaine comme tous ses prédécesseurs. L’occasion pour l’Europe de prendre enfin conscience de ses faiblesses.

Jérôme Gleizes  • 13 novembre 2024
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Comment l’Europe va-t-elle réagir à la réélection de Trump ?
© Maximalfocus / Unsplash

La défaite de Kamala Harris lors de l’élection des États-Unis semble sidérer le monde entier ainsi que l’ensemble des pays européens, sauf peut-être les États les plus conservateurs comme la Hongrie. Pourtant cela pourrait être une situation en trompe-l’œil. La présidence de Joe Biden n’a pas été aussi bienveillante à l’égard de l’Europe que ne le pensent les dirigeants européens.

L’Europe décroche vis-à-vis des États-Unis et du reste de la planète depuis plus de vingt ans. L’écart de revenu par habitant entre les États-Unis et la zone euro, d’environ 10 000 euros en 2000, augmente depuis 2012. Le PIB américain est aujourd’hui supérieur de 12,5 % par rapport à 2019 alors que celui de l’Allemagne a stagné, et que celui de la France a augmenté de 3,8 %.

L’Europe a beaucoup moins investi que les États-Unis.

L’Europe a beaucoup moins investi que les États-Unis, notamment dans les technologies de l’informatique et de la communication, et, surtout, les dépenses de recherche publique et privée sont significativement plus basses. La crise des subprimes (2008) puis le choc énergétique de 2022 ont paralysé l’Union européenne (UE), qui, empêtrée dans une logique néolibérale, n’a pas su mettre en œuvre la politique structurelle industrielle indispensable pour répondre aux crises structurelles et notamment la crise climatique.

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Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), plus connu sous le nom de pacte budgétaire européen, est entré en vigueur en janvier 2013 et a enfermé l’UE dans une logique austéritaire. Les objectifs de réduction de la dette et des déficits ont pris le dessus sur les politiques structurelles, faisant prendre du retard à l’Europe.

La crise du covid a montré sa dépendance au reste du monde pour sa consommation. La conjonction de la crise de 2020 avec l’absence d’investissement industriel place l’Europe dans une situation très difficile. Il existe un investissement européen mais dans le bâtiment. Il est peu générateur de productivité et très spéculatif, favorisant les ultra-riches.

Trump violente la parole politique mais défendra l’hégémonie américaine

À l’inverse, les États-Unis s’appuient sur une croissance à crédit et sur leur hégémonie monétaire avec le dollar comme monnaie de réserve mondiale. La dette publique américaine a été multipliée par plus de 10 en trente ans pour atteindre aujourd’hui plus de 35 000 milliards de dollars. Pendant sa campagne présidentielle, Trump a menacé les pays qui abandonneraient le dollar. Les Brics menacent régulièrement depuis quelques années d’émettre une monnaie concurrente. La Réserve fédérale américaine a baissé les taux d’intérêt alors que la BCE les a maintenus élevés.

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Trump, par son style, violente la parole politique mais défendra l’hégémonie américaine comme tous ses prédécesseurs. Face à cela, l’Europe pourrait prendre conscience de ses faiblesses, notamment politiques, son incapacité à se projeter sur le long terme. Alors qu’elle avait su mutualiser ses moyens pour réduire les inégalités entre les pays, faciliter la sortie des dictatures pour l’Espagne, le Portugal et la Grèce, aujourd’hui, le dogme libéral l’entraîne dans une crise existentielle. Peut-être que Trump permettra ce sursaut, sinon son populisme pourrait trouver de nouveaux adeptes en Europe.

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