Contre-productivité agricole

Nous arrivons à une limite. Pour assurer la subsistance de tous ces humains et en même temps l’habitabilité de la terre, il faudra diminuer les niveaux de productivité agricole.

Mireille Bruyère  • 27 novembre 2024
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Contre-productivité agricole
© Meriç Tuna / Unsplash

Le récit dominant de la modernité est celui d’une success-story technologique qui a éloigné durablement l’humanité des famines en permettant l’abondance alimentaire. Ce récit se fonde sur les statistiques de productivité agricole qui montrent des taux de croissance très importants depuis les années 1960, début de cette « modernisation ».

De 1959 à 2020, la productivité agricole croît à un taux moyen de 1,26 % par an en France, soit bien plus que la productivité générale de l’économie, qui ralentit depuis les années 1980. Cette dynamique se retrouve aussi au niveau mondial. La production agricole mondiale a quadruplé depuis les années 1960 pendant que la population mondiale n’a été multipliée que par 2,6 avec toujours moins de paysans. Nous connaissons les ingrédients de ce productivisme agricole : pesticides, mécanisation et numérisation, monocultures, concentration et exportations.

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Il semble que nous arrivions à une limite. Des phénomènes de plus en plus importants de contre-productivité apparaissent : les coûts de production augmentent de plus en plus vite par unité produite. C’est la conséquence de la baisse de la biodiversité, de l’épuisement des sols, d’épisodes climatiques destructeurs. En France, depuis dix ans, la hausse de la productivité agricole a ralenti aussi à 0,22 % par an. Évidemment, les tenants de ce productivisme ressortent l’argument du risque de famine pour appeler encore plus de productivité et maintenir le régime actuel sans changer sa structure.

Il faudra diminuer les niveaux de productivité agricole (…) en transformant radicalement les structures et les modes de production.

Pourtant, pour assurer la subsistance de tous ces humains et en même temps l’habitabilité de la terre, il faudra diminuer les niveaux de productivité agricole non pas de manière purement quantitative, mais en transformant radicalement les structures et les modes de production. Le productivisme est synonyme de grande échelle de production (industrialisation des denrées alimentaires, domination de la grande distribution, gaspillage, transports et logistique).

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Les prix de production agricole ont baissé de 85 % depuis 1960 alors que les prix de consommation des biens agricoles n’ont baissé que de 15 %, voire augmentent depuis 2020. C’est la marge de l’intermédiation industrielle entre production et consommation. Ce n’est pas seulement l’effet de la cupidité de la grande distribution, réelle surtout depuis 2020, mais aussi l’effet structurel de la taille mondiale des systèmes de production et de consommation.

Il faut rapprocher la production de la consommation sur le territoire.

Il faudra réduire la productivité pour obtenir une meilleure alimentation et un respect de la nature et du travail des paysans. Il faut pour cela rapprocher la production de la consommation sur le territoire. Tout le contraire du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur.

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