« Politisons le sport, pour le meilleur et non le pire »

Baptiste, supporter de l’Olympique lyonnais, dénonce l’hypocrisie du monde du football.

• 6 novembre 2024
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« Politisons le sport, pour le meilleur et non le pire »
Le stade de l'Olympique lyonnais, le Groupama Stadium.
© Thomas Serer / Unsplash

L’amour rend aveugle, dit-on. La passion du ballon rond conduit parfois ses plus fins supporters à ne pas voir ce qui se joue en coulisse et dans les gradins. Pourtant, avec la montée de l’extrême droite, les violences sont plus fréquentes, presque devenues décomplexées. Baptiste, supporter de l’Olympique lyonnais, dénonce l’hypocrisie du monde du football et la complicité de ceux qui se taisent.



Supporter de longue date à l’Olympique lyonnais (OL) et abonné au stade, je me sens plus que jamais en contradiction entre mon attachement à l’équipe et à ses résultats, et les actions et prises de positions des ultras du club, ses plus fervents fans. Ce n’est pas nouveau, j’ai toujours eu une profonde aversion pour les valeurs défendues par ces ultras et certains chants (homophobes, sexistes…) entonnés en tribunes. Et si l’extrême droite ne s’est jamais vraiment cachée dans les travées lyonnaises, cela faisait longtemps qu’elle n’était pas apparue aussi décomplexée que ces derniers mois.

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Au risque d’enfoncer une porte ouverte, il est important, je crois, de rappeler que le monde du foot est l’un des plus éclatants reflets de l’ultralibéralisation de la société : de la diffusion des matchs vendus au plus offrant à la multipropriété des clubs en passant par la spéculation sur le développement et l’achat-revente de joueurs. À Lyon, j’y vois également, comme partout en France depuis les européennes et les législatives, une poussée affirmée de l’extrême droite.

Je me sens de plus en plus en insécurité dans un stade qui devrait être celui où je me sens le plus à l’aise.

Cela se traduit par une accumulation d’événements violents au sein du Groupama Stadium [le stade de l’OL, N.D.L.R.], qui ont atteint leur paroxysme lors du match Lyon-Nantes, le 6 octobre dernier, où deux groupes de supporters se sont affrontés. Autre exemple : le 11 octobre, en centre-ville, une femme a été agressée car elle portait une casquette du FC Sankt Pauli, club hambourgeois antifasciste. Pourtant, « il ne faut pas politiser le sport », nous disait il y a quelques années Emmanuel Macron à propos du sujet éminemment politique de la Coupe du monde au Qatar.

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Brève parenthèse sur ce que je sais des deux principaux groupes de supporters lyonnais : les Bad Gones (BG) et les Lyon 1950. Ces deux-là s’affirment « apolitiques » mais n’en demeurent pas moins connus pour leurs orientations politiques nationalistes. La présence régulière, dans les travées, du groupuscule identitaire et néonazi la Mezza Lyon, dont le logo n’est autre qu’une Totenkopf, un symbole de tête de mort utilisé par les SS, n’en est que la face la plus visible. Combien de fois me suis-je caché, honteux, derrière l’idée que cela ne me regardait pas ou que c’était le fait d’individus isolés ? Probablement trop.

À la sortie du match contre Nantes, ce dimanche après-midi familial, des affrontements opposent des membres des BG à ceux des Six Neuf Pirates (SNP), un groupe nouvellement formé se disant aussi apolitique, mais surtout cosmopolite, ouvert à tous et à toutes, et luttant contre les discriminations. Seraient-ce des valeurs de gauche ? Ou des valeurs de simple tolérance ? Ou un camouflet aux BG, qui se retrouvent de fait dans la position du groupe non apolitique, non cosmopolite et non ouvert à tous et à toutes ?

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Finalement, un membre des SNP est blessé à l’arme blanche. La réponse des Bad Gones est pour le moins lunaire. L’argument « désolé d’aimer notre pays » est posé en justification aux violences. Face à ça, la honte de supporter l’OL se fait plus forte que jamais et la peur vient s’installer sur les sièges. Je me sens de plus en plus en insécurité dans un stade qui devrait être celui où je me sens le plus à l’aise. Je surveille mes mots, parle peu ou moins fort dans le tram et autres endroits de promiscuité. Qui sait ? Sans tomber dans la paranoïa, les risques sont bien réels, comme peuvent en témoigner les familles qui sortaient au moment des échauffourées, ou la jeune femme qui portait sa casquette du FC Sankt Pauli.

L’hypocrisie de l’apolitisme dans le sport et le foot me paraît être au cœur des débats.

L’hypocrisie de l’apolitisme dans le sport et le foot me paraît être au cœur des débats, mais le niveau de tension actuel ne permet pas de lancer la discussion sereinement entre les groupes d’ultras. Cela dit, des initiatives sportives tolérantes et inclusives se développent dans l’ombre à Lyon et dans ses environs. Qu’un groupe d’ultras ouvertement non réactionnaires essaie de s’installer dans le stade, jusque-là chasse gardée de l’extrême droite, en est un bon exemple. Pour le meilleur, politisons le sport.

Publié dans
Carte blanche

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