« Les traumatismes du passé, de nouveau attisés »
Après la victoire de Trump, Malia, 24 ans, exprime ses peurs mais garde espoir.
dans l’hebdo N° 1836 Acheter ce numéro
L’élection de Donald Trump, qui a recueilli les voix de 75 millions d’électeurs, divise profondément la société américaine. Plus de trois millions de voix séparent le milliardaire républicain de la candidate démocrate, Kamala Harris, pour laquelle près de 72 millions de personnes ont voté. Parmi eux, les minorités, que Trump a jurées qu’elles étaient les ennemis de l’intérieur. Malia, 24 ans, est noire. Elle exprime ici ses peurs, pour elle et les siens, mais entend bien garder espoir.
J’ai 24 ans, je suis une jeune femme noire, et je vis dans la banlieue nord de New York. J’ai suivi évidemment avec beaucoup d’attention l’élection américaine. J’ai toujours su qu’il serait difficile pour une femme noire de gagner cette élection.
J’ai donc été déçue du résultat de la semaine dernière, mais je n’ai hélas pas été surprise. Déçue et triste. En réalité, cette réélection de Donald Trump me fait prendre conscience que le mandat qui s’ouvre, avec un esprit revanchard du 47e président élu, sera très difficile pour les personnes les plus marginalisées.
Aux États-Unis, il y a toujours eu beaucoup de préjugés, de haine et de violence envers les gens qui me ressemblent. J’ai fait le choix depuis longtemps de ne plus vivre tous les jours dans la peur. Je dois simplement continuer à lutter contre les inégalités subies par tous les types de personnes, espérer que nous pourrons conserver nos droits actuels et lutter pour en obtenir davantage.
Réfléchir à l’élection de Trump en tant que femme noire éveille en moi une large gamme d’émotions souvent difficiles à exprimer. Il ne s’agit pas seulement de positionnements politiques différents. Cela relève de quelque chose de beaucoup plus personnel, presque de l’ordre de l’intime. J’éprouve un sentiment de vulnérabilité, sachant que les politiques et les discours peuvent avoir un impact direct sur nos vies, nos familles et notre sécurité.
La peur est réelle, mais la force aussi.
Observer la montée en puissance d’un langage qui divise – et celui de Trump divise profondément la société américaine – donne l’impression d’assister à une remise en cause directe de notre humanité, de notre droit d’être traité avec respect, dignité et égalité. Pour beaucoup d’entre nous, il ne s’agit pas seulement d’une élection.
Cela nous renvoie aux traumatismes, à l’injustice et à la résilience depuis des générations, comme si toutes ces expériences étaient à nouveau attisées. La peur est réelle, mais la force aussi. Il est nécessaire de protéger nos familles, de conserver notre culture et de rester ferme face à des systèmes qui semblent parfois s’opposer à nous.
Dans ces moments-là, une dualité opère : un mélange d’inquiétude et de détermination farouche, un désir d’unité mais aussi le besoin de s’exprimer et de faire en sorte que nos voix soient entendues. L’élection a également amplifié l’importance de la communauté. Ressentir la solidarité avec les autres, en particulier avec les autres femmes noires qui comprennent le poids de ces émotions, agit comme une bouée de sauvetage.
Les défis sont peut-être grands, mais la détermination à continuer de défendre nos droits et à œuvrer pour qu’à l’avenir ces luttes ne définissent plus nécessairement la vie de ceux qui nous succéderont l’est tout autant.
C’est une fierté de savoir que les femmes noires ont toujours été au cœur du changement.
En fin de compte, c’est une fierté de savoir que les femmes noires ont toujours été au cœur du changement, en allant de l’avant même si le chemin est escarpé. Cette fierté, associée à un engagement envers nos communautés, nous rappelle que nous sommes résilients, que nous comptons, et que nous avons le pouvoir de construire et d’exiger l’avenir que nous souhaitons.
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