Gaz à effet de serre : des indicateurs bien ajustés ?

Les agrégats comptables sont monétaires, et intégrer des éléments a priori non monétaires ne réduit en rien la dégradation écologique.

Jean-Marie Harribey  • 20 novembre 2024
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Gaz à effet de serre : des indicateurs bien ajustés ?
© Markus Spiske / Unsplash

Au moment où s’ouvre la COP 29 sur le climat à Bakou, l’Insee publie un document (Insee Analyses, n° 98, novembre 2024) pour, d’une part, établir un état des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France et de son empreinte carbone, et, d’autre part, proposer un indicateur reflétant la prise en compte des coûts occasionnés par ces émissions.

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En 2023, la France a émis 403 millions de tonnes de GES en équivalent dioxyde de carbone (Mt CO2 éq) au titre de l’activité économique des agents résidant sur le territoire. Et son empreinte carbone, incluant en plus le solde des émissions contenues dans ses importations/exportations, est de 644 Mt CO2 éq.

Par habitant, cela correspond à 5,9 tonnes de CO2 éq émises et à une empreinte de 9,5 tonnes. Rapportées au niveau atteint en 2018, les émissions nationales ont baissé de 15 % et l’empreinte carbone de 8,5 %. Mais, en comparant ce résultat aux objectifs de la stratégie nationale bas carbone de 2020, le plafond d’émissions autorisé a été dépassé, au point que le « budget carbone » alloué est diminué de 123 Mt CO2 éq pour pouvoir atteindre la neutralité carbone en 2050.

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Comment enregistrer cela dans les comptes nationaux ? En partant du PIB annuel duquel on soustrait l’amortissement du capital fixe, on obtient le PIN (produit intérieur net). L’Insee déduit alors de celui-ci le coût social des dégâts dus aux émissions de GES pour arriver à un PIN ajusté. Se pose alors la question : comment évaluer le coût de ces dégâts qui n’est donné sur aucun marché ? C’est là que les sables deviennent mouvants.

Compter, même en ‘ajustant’, n’est pas décarboner.

Le rapport Quinet (2019) donne une estimation de la « valeur d’action pour le climat », qui est la valeur que la société décide d’affecter aux actions permettant d’éviter l’émission d’une tonne équivalent CO2. Le rapport Quinet la fixe à 250 € pour 2030 et à 775 € pour 2050. Il s’ensuit que le PIN ajusté en 2023 est réduit de 93 Mds € par rapport au PIN, et de 33 Mds de plus si on l’étend aux effets délétères sur la santé et la mortalité. L’Insee en conclut que l’épargne nationale en 2023 de 68 Mds € est amputée de 144 Mds ; alors, nous transmettons à l’avenir une épargne nette ajustée négative de – 133 Mds, et même, en l’étendant, de – 264 Mds.

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Peut-on se réjouir de disposer de tels indicateurs ? À première vue, oui. Mais, derrière, il y a de nombreuses difficultés, voire des défauts méthodologiques. Le calcul des coûts est tiré des comparaisons entre coûts et avantages et entre coûts et efficacité. On n’échappe donc pas à la difficulté de donner un prix à la dégradation de notre environnement, que l’on ne peut vraiment estimer que par le coût de la réparation si elle est possible.

Grosso modo, la réparation engendre une hausse du PIN que l’on diminue du montant qu’on vient d’ajouter. Tout cela rappelle que les agrégats comptables sont monétaires, et intégrer des éléments a priori non monétaires ne réduit en rien la dégradation écologique. Compter, même en « ajustant », n’est pas décarboner.

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