Grève des agents périscolaires à Paris : « Nous sommes des essentiels invisibles »

En grève depuis mardi 19 novembre, le secteur périscolaire parisien a décidé de reconduire le mouvement ce jeudi 21 novembre. L’intersyndicale demande des évolutions statutaires mais aussi une amélioration globale des conditions de travail pour des métiers de l’animation, trop souvent précarisés.

Élise Leclercq  • 22 novembre 2024 abonné·es
Grève des agents périscolaires à Paris : « Nous sommes des essentiels invisibles »
Mobilisation du Supap-FSU, le 14 novembre 2023.
© Nicolas Leger

Devant une école du XVIIIe arrondissement, à Paris, de nombreux parents attendent sous la neige leurs enfants, patiemment. La journée est pourtant encore bien loin d’être finie. Mais depuis une semaine, les agents du périscolaire sont en grève de 11 h 30 à 12 h 30, fermant de fait la cantine de cette école maternelle et élémentaire.

Environ 200 des 650 écoles de Paris sont concernées par un mouvement de grève du périscolaire, lancé à l’appel de l’intersyndicale composée du Supap-FSU, de la CFDT et de la CGT. Cette grève, débutée mardi 19 novembre, s’ancre dans une cinquième semaine de mobilisation des agents du périscolaire, commencée l’an passé.

Évolution statutaire

« L’année dernière, des choses ont été gagnées. Mais elles restent très insuffisantes au regard des difficultés de nos métiers, de la précarité, des rémunérations et des conditions de travail qui continuent de se dégrader d’année en année », explique Nicolas Leger, représentant du syndicat majoritaire. Les syndicats demandent une meilleure rémunération mais aussi des évolutions statutaires comme une ouverture de l’accès à la catégorie A pour des responsables du périscolaire, une prime pour les animateur·ices des écoles REP et REP+ et une évolution des animateurs vers la catégorie B.

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Plusieurs écoles n’auraient également aucun·e animateur·ice lecture, un poste spécifique qui encadre des groupes d’enfants pendant des ateliers de lecture : « En mai, on nous a annoncé une première ouverture sur 80 postes au titre de l’expertise éducative pour les animateurs d’espace lecture. Mais depuis, on n’en voit toujours pas la couleur », continue Nicolas Leger.

Animatrice lecture dans une école du XIXe arrondissement, Armelle ​Orthlieb connaît bien cette situation. Par manque d’effectif, elle se retrouve souvent contrainte de faire des remplacements d’animation « classique », par exemple lors des repas, négligeant de ce fait les ateliers qu’elle organise. « On demande aussi un accès à la catégorie B parce qu’on a une formation pour ça, on est des experts de l’accès à la lecture qui est une priorité », ajoute-t-elle.

On est dans une extrême précarité, chaque mois est différent.

Éric

Le problème statutaire est au cœur des revendications. Selon eux, près de la moitié des travailleur·euses sont vacataires, soit près de 10 000 personnes. Un statut qui ne permet pas une sécurité de l’emploi ni de prendre des congés. La vacation est pourtant définie comme « une tâche précise, ponctuelle et limitée à l’exécution d’actes déterminés » lit-on sur le site du service public.

« On est dans une extrême précarité »

Au-delà des revendications statutaires, les conditions de travail sont décriées. « On est dans une extrême précarité, chaque mois est différent. Et forcément, ça ne donne pas envie de rester », souffle Éric, responsable éducatif dans le XVIIIe arrondissement. Lui aussi a été vacataire pendant 4 ans, avant de passer les concours de la fonction publique.

Les agents du périscolaire demandent aussi l’accès à des formations diplômantes permettant de revaloriser le métier d’animateur·ice mais aussi de mieux encadrer les enfants. Le manque d’effectifs entraîne également des risques selon Nicolas Léger : « Le taux d’encadrement légal est d’un animateur pour 14 enfants en maternelle et un pour 18 en élémentaire. Or sur la très grande majorité des écoles, celui-ci n’est pas respecté. »

Cette instabilité et surcharge de travail jouent sur la santé des salariés, « les gens ne vont pas bien alors il y a des absences. On pense tous à partir, continue Éric, nous sommes des essentiels invisibles ». À cela s’ajoute le manque de moyens financiers, due à l’instabilité. « Quand on est vacataire, on tourne à 1 200 ou 1 300 euros par mois ». Certains de ses collègues n’arrivent plus, selon lui, à se loger à Paris, obligés de faire plusieurs heures de trajets quotidiens.

Les parents solidaires

Côté parents, la grève est bien comprise. « C’est sûr que ce n’est pas l’idéal mais on s’organise avec les autres parents. On comprend parfaitement leurs revendications, ils sont sous-payés alors qu’ils font un travail formidable », sourit Bénédicte, une maman venue récupérer sa fille et une de ses amies de l’école maternelle.

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Un autre parent acquiesce : « On est solidaire du mouvement. L’association des parents d’élèves a mis en place un système pour les parents qui ne pourraient pas venir récupérer leurs enfants. » Un soutien nécessaire pour les animateur·ices qui espèrent pouvoir faire pression sur la ville et peser dans le budget qui est actuellement en discussion au Conseil de Paris.

Le sujet a été abordé mercredi lors du Conseil. « Nous avons beaucoup fait et nous allons continuer à faire, mais pour cela, il faut que le dialogue social reprenne », expliquait Patrick Bloche, premier adjoint à la mairie de Paris au journal Le Parisien. Suite à une assemblée générale organisée jeudi 21 à la Bourse du travail, les syndicats ont choisi de reconduire la grève interclasses pour une semaine supplémentaire, du mardi 26 au vendredi 29 novembre.

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