Qu’on foute la paix aux femmes !
Cinquante ans après les débats sur l’IVG en France, la bataille pour les droits des femmes demeure. Les droits d’hier sont menacés. Et de nouveaux droits sont à conquérir. Politis y consacre un hors-série de 52 pages, « Des corps et des femmes », à retrouver en kiosque ou sur notre site.
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« Mais qu’est-ce qu’il a, le corps des femmes, pour qu’on ne lui foute jamais la paix ? » Ainsi s’interroge la chanteuse Mathilde dans sa chanson « Le Corps des femmes », issue de son dernier album, La Nuit·Le Jour. Et de poursuivre : « Le corps des femmes porte leurs âmes, porte la vie, porte leurs drames. Le corps des femmes, leur seule maison. Toujours saccagée sans raison. Je veux savoir, savoir pourquoi. C’est toujours les femmes que l’on broie. Et pourquoi toi, tout feu, tout flamme. Tu asservis le corps des femmes. »
À l’heure de boucler ce hors-série, 50 ans après la loi Veil, c’est évidemment à cette jeune Iranienne marchant en sous-vêtements devant son université que l’on pense. Elle est devenue le nouveau symbole de la liberté des femmes à disposer d’elles-mêmes. Elle en a payé le prix. De son corps sévèrement battu. Un corps désormais sous verrous. Les appels à sa libération sont pléthoriques à travers le monde. Tant mieux. Mais c’est un monde en plein basculement auquel nous assistons. Souvent impuissants. Parfois, indifférents.
Les droits d’hier sont menacés. Et de nouveaux droits sont à conquérir.
Partout, de l’Afghanistan aux États-Unis en passant par l’Argentine ou l’Iran, les droits des femmes sont remis en cause. L’Europe n’y échappe pas. Des courants néoréacs et traditionalistes – à l’instar des « tradwives » qui prolifèrent et invitent les femmes à revenir au foyer pour gérer la vie domestique – aux mouvements « pro-life » et anti-avortement, de la criminalisation des travailleuses du sexe à l’injonction à la maternité en passant par l’inégal accès aux soins, à la connaissance et à la maîtrise des pathologies féminines – sans parler du juteux business de la ménopause –, les sujets de contrôle du corps des femmes ne manquent pas. Il faut ne jamais rien considérer comme acquis.
Cinquante ans après les débats sur l’IVG en France, cette bataille pour les droits des femmes demeure. Les droits d’hier sont menacés. Et de nouveaux droits sont à conquérir. L’actualité des violences sexistes et sexuelles (VSS) en témoigne. La puissance du mouvement #MeToo n’y changera rien tant que les pouvoirs publics ne prendront pas la mesure de la tâche. L’État ne met pas assez d’argent public pour mener des politiques efficaces, préventives et protectrices. Ça n’est pas pour rien que les associations féministes réclament depuis longtemps un milliard d’euros dédié aux droits des femmes. En vain. Ça n’est pas pour rien que les féministes exigent la création d’un ministère de plein exercice. En vain.
C’est une révolution de nos connaissances et des mentalités dont nous avons besoin.
La puissance du mouvement #MeToo n’y changera rien non plus tant que nos réflexes et nos mots pour le dire n’évolueront pas. Tant que nous ne remettrons pas en cause la banalité des comportements sexistes. Cela passe aussi par des politiques éducatives ambitieuses. Et pour cela, il faut une méthode, une pédagogie et des moyens humains et financiers – pour l’école notamment. C’est une révolution de nos connaissances et des mentalités dont nous avons besoin. Pour préparer les générations futures.
Le travail est titanesque. Un viol n’a rien à voir avec la sexualité. Pourtant, ne dit-on pas « agression sexuelle » ? Il faut le marteler, le dire, inlassablement, les VSS ont tout à voir avec la domination masculine et, précisément, la culture du viol. Et c’est bien à ça qu’il convient de s’attaquer.
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