Planning familial : Nos droits, toujours à défendre
Depuis sa création, le Planning familial alerte sur le fait que le corps des femmes est un champ de bataille où s’affrontent des idéologies, des intérêts politiques et des luttes de pouvoir.
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Femmes : faire corps ensemble contre les politiques de discipline Gisèle Halimi, écho et ferveur d’un combat Femmes : au XIXe siècle, un destin de génitricesPar Sarah Durocher, Noémie Gardais, Nina Meriguet et Albane Gaillot. Sarah Durocher est présidente du Planning familial, Noémie Gardais et Nina Meriguet y sont chargées de plaidoyer, ainsi qu’Albane Gaillot, ex-députée, autrice de la loi de 2022 sur l’IVG.
La question du contrôle du corps des femmes prend une résonance particulière dans le contexte actuel, marqué par la montée inquiétante de l’extrême droite en France, avec les 143 sièges du Rassemblement national et de ses allié·es, les nominations au gouvernement de personnalités hostiles au mariage pour tous·tes, à la PMA et au droit à l’avortement. Alors que le Planning familial célébrera la loi Veil, en janvier prochain, pour sa portée historique, symbole d’une avancée majeure dans la lutte pour les droits et la santé sexuels et reproductifs en France, on assiste aujourd’hui à des tentatives de remise en cause de ces acquis.
À travers l’Europe, les discours nationalistes cherchent à rattacher le corps des femmes à des idéologies rétrogrades, instrumentalisant leur fécondité dans des agendas démographiques souvent insidieux. Le Parlement européen actuel est bien plus conservateur que lors de la précédente mandature. La majorité des eurodéputé·es français·es d’extrême droite n’a pas tardé à rejoindre le groupe des Patriotes pour l’Europe, parti conservateur du Hongrois Viktor Orbán.
Dans un monde où les menaces contre l’égalité se renforcent, il est crucial de s’interroger : qui veut réellement contrôler le corps des femmes, et pourquoi ? Le Planning familial se questionne sur les ramifications de ces enjeux, tant en France qu’au niveau international, révélant un combat quotidien des femmes face à des forces qui cherchent à les déposséder de leurs droits et notamment de la libre autonomie de leur corps.
Les mouvements anti-choix et leur projet conservateur
Le Planning familial observe depuis plusieurs années comment les mouvements anti-choix, premiers opposants au droit des femmes à disposer librement de leur corps, déploient des stratégies vicieuses. À travers des campagnes de désinformation, ils véhiculent des mensonges sur l’avortement et la contraception, les présentant comme des dangers pour la santé physique et mentale.
En glorifiant une vision archaïque de la maternité, ils cherchent à enfermer les femmes dans des rôles stéréotypés, tout en vilipendant celles qui choisissent de ne pas être mères ou d’interrompre une grossesse. Leur approche, qui combine pression législative et stigmatisation sociale, instaure un climat de peur et de culpabilité, entravant ainsi les choix personnels.
Si le discours nationaliste et d’extrême droite autour du corps des femmes prend de l’ampleur, c’est aussi parce que ces mouvements s’organisent de manière croissante, parfois en utilisant directement des fonds publics. Par exemple, une enquête d’openDemocracy a révélé que l’Union européenne avait versé plus d’un million d’euros à une association anti-choix qui pratique de la désinformation sur les enjeux de droits et de santé sexuels et reproductifs, en comparant l’avortement à l’Holocauste.
En outre, de tels mouvements vont jusqu’à former directement les nouveaux eurodéputé·es. C’est par exemple le cas avec l’organisation de l’European Congress on Family, mis en place par le Parti des conservateurs et réformistes européens. Laurence Trochu, eurodéputée française de Reconquête, y participera, étant déjà connue pour avoir été présidente du Mouvement conservateur, issu de La Manif pour tous.
Si le plan d’attaque des mouvements anti-choix se pense majoritairement au niveau international, il a des répercussions directes en France. Ainsi, le Projet 2025, feuille de route de l’extrême droite américaine qui vise à démanteler les normes démocratiques, et plus spécifiquement à travers des attaques ciblées contre les droits et la santé sexuels et reproductifs, a inspiré la mise en œuvre de la Déclaration de consensus de Genève en 2020. Ce manifeste anti-avortement – sans pouvoir d’application – a été signé par 36 pays.
La stratégie politique et rhétorique du nationalisme et de l’extrême droite
Face à la montée des mouvements réactionnaires, le Planning familial note que les moyens utilisés pour réduire l’accès aux droits et instrumentaliser le corps des femmes et des minorités de genre sont multiples mais toujours très fallacieux. En septembre 2024, en lien avec l’Ifop, il a publié son premier baromètre sur l’accès à l’avortement, qui révèle des freins persistants et des tabous encore ancrés.
La stigmatisation de l’IVG alimentée par les mouvements réactionnaires est encore très présente : c’est pourquoi une femme sur trois, au moment de décider d’un avortement, a ressenti des pressions de la part de mouvements anti-choix, de professionnel·les de santé ou de son entourage. Partager ce constat a permis de sensibiliser et d’alerter les institutions et le grand public face à la menace conservatrice.
En France, récemment, les votes au Parlement ont illustré cette tendance préoccupante, notamment le refus de constitutionnaliser le droit à l’IVG. En 2023, le Rassemblement national et ses allié·es ont opposé une résistance significative à cette avancée, arguant que la protection du droit à l’avortement n’était pas une priorité constitutionnelle. Lors d’un vote au Sénat, plusieurs sénateurs de droite ont même proposé d’inscrire la protection de la « maternité » dans la Constitution, détournant ainsi le débat sur l’autonomie reproductive au profit d’une vision patriarcale et nationaliste.
La mobilisation du plus grand nombre s’impose pour contrer les mouvements anti-choix.
Certaines figures de l’extrême droite vont jusqu’à manipuler ces sujets pour renforcer leur stratégie politique opportuniste, en les présentant comme des valeurs traditionnelles à préserver. Dans sa dernière niche parlementaire, fin octobre 2024, le Rassemblement national a proposé des mesures fiscales et sociales favorisant la famille traditionnelle et la natalité française, pratiquant à nouveau l’instrumentalisation du corps des femmes au service de sa stratégie politique.
En France et en Europe, le développement de leur approche fémonationaliste se manifeste clairement : ils évoquent une France où la natalité serait un rempart contre l’immigration, tout en refusant de reconnaître le droit des femmes à disposer librement de leur corps.
Dans l’Italie de Giorgia Meloni, l’accès à l’IVG se complique : 63 % des gynécologues – et jusqu’à 84 % dans certaines régions – déclarent être objecteurs de conscience. Un sénateur de Forza Italia a même proposé de reconnaître la capacité juridique de l’embryon dès la conception. Par ailleurs, l’écoute des battements de cœur du fœtus devient un enjeu important pour les mouvements anti-choix, s’inspirant d’une mesure hongroise. Les techniques d’entrave aux droits des femmes, en France et en Europe, se caractérisent de la même manière.
Les conservateurs de droite et d’extrême droite votent toujours contre l’avancée des droits des femmes et des minorités de genre. Au Parlement européen, ils ont voté contre l’inscription de l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux ou l’accès à l’avortement gratuit et légal pour toutes les femmes de l’Union européenne, contre l’égalité salariale femmes-hommes, contre la condamnation des discours de haine envers les personnes LGBTQIA+, contre la résolution visant à inscrire la violence fondée sur le genre comme un crime : la liste n’est pas exhaustive mais elle est déjà bien trop longue.
« Réarmement démographique » : enjeu identitaire et outil d’appropriation publique
La rhétorique utilisée pour aborder les questions démographiques révèle des enjeux identitaires profondément ancrés. Le terme « réarmement démographique », utilisé par Emmanuel Macron, illustre comment le corps des femmes est instrumentalisé au service d’une idéologie nationaliste, où la fécondité est perçue comme un moyen de garantir la pérennité d’une culture ou d’une nation.
Notre force est collective. Elle est de ne jamais cesser de se mobiliser.
Le Planning s’indigne des discours qui promeuvent une politique démographique et transforment la maternité en un enjeu identitaire et démographique. L’instrumentalisation du corps des femmes par l’extrême droite ou la droite conservatrice servirait un projet collectif plutôt que leur propre autonomie. Cela deviendrait une obligation morale au service d’une nation perçue comme menacée, discours que l’on retrouve ailleurs en Europe. C’est flagrant en Hongrie, un pays dont Emmanuel Macron semble parfois s’inspirer. Depuis le 1er janvier 2024, les Hongroises de moins de 30 ans qui choisissent d’avoir ou d’adopter un enfant ne paient plus d’impôt sur le revenu ou peuvent obtenir des primes.
La mobilisation du plus grand nombre s’impose pour élaborer des stratégies communes face aux mouvements anti-choix et à l’extrême droite. Défendre les droits des femmes face aux menaces actuelles est un devoir pour chacun·e. C’est pourquoi le Planning familial est partenaire de l’initiative citoyenne européenne « Ma voix, mon choix », une pétition qui a pour objectif de mettre en place un soutien financier aux États membres qui seraient en mesure de réaliser des IVG pour toute personne en Europe qui n’aurait toujours pas accès à un avortement sans danger et légal.
Notre force est collective. Elle est de ne jamais cesser de se mobiliser, d’avancer, voire de pédaler. Et comme nous le disons souvent, tant que nous pédalons, nous faisons progresser les droits des femmes et des minorités, mais dès que nous nous arrêtons, nous tombons. Notre combat permanent est donc essentiel pour faire évoluer nos droits.