États-Unis : une dystopie encorporée
Tout à notre crainte de subir les dommages de l’élection présidentielle des États-Unis, nous prétendons oublier qu’il s’agit d’une puissance impérialiste ayant délibérément maintenu une démocratie imparfaite et racialement inégalitaire.
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Que Trump va-t-il faire de sa victoire ? Fake news, maladie incurable de la démocratie Pour l’équipe de Kamala Harris, la stratégie acharnée du porte-à-porte Pouvoir et médias : l’art de fasciser l’espace publicAu moment où paraît cette chronique (1), le résultat de la présidentielle états-unienne n’est pas encore connu. On nous martèle depuis des semaines, voire des années, que notre sort planétaire est lié à la plus puissante démocratie du monde. Tout à notre crainte de subir ses dommages de plus en plus mortels, tant environnementaux que géopolitiques, nous prétendons oublier qu’il s’agit d’une puissance impérialiste ayant délibérément maintenu une démocratie imparfaite et racialement inégalitaire, tout en vaquant à ses exactions de par le monde.
Le mardi 4 novembre.
Si après avoir été génocidaire, elle a fini par abolir l’esclavage et la ségrégation raciale, elle maintient une ligne de couleur qui traverse toutes les vies, y compris les blanches, prémunissant ces dernières des risques auxquels toutes les autres sont exposées.
La plus puissante démocratie du monde demeure un État colonial, interne et externe, son plus beau fleuron étant Israël, présenté comme un « allié ».
Si cette puissance impérialiste a servi son intérêt bien compris en penchant parfois pour des luttes anticoloniales, comme ce fut le cas pour l’Algérie, elle demeure un État colonial, interne et externe, son plus beau fleuron étant Israël, présenté comme un « allié ». Or elle l’a façonné à son image, arrogante, armée, raciste, sexiste, n’en déplaise aux crédules du pinkwashing, et sanguinaire, comme chaque nuit qui passe nous le rappelle de façon ahurissante.
Cet avatar dystopique est le laboratoire de toutes les politiques de destruction et de mort que le pouvoir états-unien ne peut plus aussi librement déployer sur son sol, sans y avoir renoncé. Jusqu’alors installé dans sa vision orientaliste et islamophobe de la région où est implantée sa colonie technologique, ce pouvoir commence à voir vaciller sa légitimité tant il est rattrapé par son passé entaché de massacres, et par son présent de complice de crimes contre l’humanité.
Le retour du refoulé d’une démocratie qui se croit parfaite et s’étonne d’être rattrapée par ses forfaits.
De fait, cette dystopie encorporée signe le retour du refoulé d’une démocratie qui se croit parfaite et s’étonne d’être rattrapée par ses forfaits la menant au bord du gouffre fasciste. Toni Morrison voyait dans ces flétrissures le fondement d’une Union coupable tant qu’elle ne les affronterait pas. Les voici logées dans les corps mêmes qui incarnent le rêve américain devenu le cauchemar du plus grand nombre.
Les États-Unis ou Israël sont loin d’être les seules dystopies encorporées. À bien des égards, la France n’est pas en reste ; elle s’active au plus près de puls(at)ions funestes qui précipitent à sa perte quiconque ne se réveille pas. Voici ce qu’est l’Amérique : la plus parfaite illustration de ce que Kafka puis Donna Haraway (2) ont anticipé dans un effort de lucidité qui nous fait encore défaut.
Manifeste cyborg et autres essais. Sciences, fictions, féminismes, Exil, 2007.
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