« Le Club des enfants perdus », l’obsession sexuelle des réacs

Le nouveau roman de Rebecca Lighieri, sélectionné pour le Goncourt des lycéens, est attaqué par l’extrême droite.

Lola Dubois-Carmes  • 13 novembre 2024 abonnés
« Le Club des enfants perdus », l’obsession sexuelle des réacs
Les censeurs d'extrême droite refusent, comme le père de l'héroïne du roman de Rebecca Lighieri, de considérer l'intelligence adolescente.
© Joël Saget / AFP

Le Club des enfants perdus / Rebecca Lighieri / POL, 528 pages, 22 euros.

L’association zemmouriste SOS Éducation a sorti l’artillerie lourde pour attaquer Le Club des enfants perdus (POL), roman de Rebecca Lighieri, sélectionné pour le Goncourt des lycéens. « [Robin a lu les cinquante premières pages du livre] et n’en est pas sorti indemne. Il a présenté des troubles post­traumatiques après le choc provoqué par [sa lecture] : énurésie, insomnie, somnambulisme, crise d’angoisse et forte anxiété, difficultés à retourner en cours, changement de comportement… », écrit l’association dans une lettre truffée de raccourcis galvaudés, envoyée début octobre à cinq ministres. Si l’extravagance de ces lignes peut prêter à sourire, elle révèle cependant le retour d’une volonté de censure.

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SOS Éducation et l’association Juristes pour l’enfance, dont la présidente a milité au sein de la Manif pour tous, dénoncent avant tout un contenu « pornographique ». Pourtant, à l’heure où la pornographie, la vraie, est omniprésente, il apparaît pernicieux de classer ce roman, comportant des passages certes crus, sous la même étiquette.

Pureté artificielle

Les verbes choisis par l’autrice permettent de toujours placer l’attention à autrui et le plaisir au centre des scènes sexuelles, au contraire des images disponibles sur internet. Surtout, ces épisodes servent ici un propos littéraire : l’exploration de soi et de son désir. La sexualité débridée du personnage principal dissimule mal une empathie débordante qui se trouve être aussi la source de son mal-être.

Le club des enfants perdus Rebecca Lighieri

En mêlant toutes les dimensions de l’expérience humaine, l’autrice offre aux adolescents qui voudraient se plonger dans son roman une matière dense d’interrogations pouvant refléter leurs propres tourments – relation compliquée avec les parents, amour de soi et des autres, exploration des limites, etc. N’est-ce pas là l’intérêt du projet pédagogique et, plus largement, de la littérature ?

Ces censeurs d’extrême droite projettent sur des adultes en devenir l’idée artificielle d’une pureté que le roman viendrait entacher, et reproduisent ainsi la même erreur que le père de Miranda dans le récit incriminé : refuser de considérer l’intelligence adolescente.