Pour l’équipe de Kamala Harris, la stratégie acharnée du porte-à-porte
Dans la dernière ligne droite, les équipes de campagne se mobilisent pour celle qui n’est encore que vice-présidente des États-Unis. C’est le cas à Philadelphie où nous avons suivi un volontaire de l’équipe de la candidate. Reportage à Philadelphie.
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Que Trump va-t-il faire de sa victoire ? Fake news, maladie incurable de la démocratie Pouvoir et médias : l’art de fasciser l’espace public États-Unis : une dystopie encorporéeCe dimanche matin, le soleil brille haut dans les rues de Philadelphie et les températures clémentes étonnent pour ce début novembre. Avec Denise et Thomas, volontaires de l’équipe Harris, nous rejoignons le quartier général de la candidate dans le sous-sol d’une église méthodiste. À l’entrée, une foule de volontaires donne le sentiment d’une ruche bourdonnante, d’où viennent et sortent militants, sympathisants et curieux.
Certains discutent entre eux ou avec les passants, d’autres font les cent pas, pancartes en mains et saluent les automobilistes qui klaxonnent pour exprimer leur soutien à la candidate démocrate. La mobilisation est un enjeu dans cet État pivot, peut-être plus qu’ailleurs. Et les équipes de campagnes ont pour mot d’ordre de dynamiser les volontaires et de n’oublier aucun électeur potentiel.
“Cette élection se jouera sur chaque voix », confie l’un des volontaires. « En 2016, Trump l’a emporté par quelques milliers de votes dans des États-clés. Cette fois-ci, on ne peut pas se permettre de rater des électeurs. Trump est un lunatic”. “Lunatic” : le mot – qui signifie « fou, dingue » – reviendra plusieurs fois dans la bouche des militants, qui voient dans le candidat républicain un potentiel futur dictateur.
Le quartier général de la candidate démocrate porte ici bien son nom. L’organisation y est méthodique, quasi militaire et bien huilée. Une coordinatrice, micro en main, galvanise les troupes avec des mots-clés de mobilisation. Plus loin, une autre équipe est en charge de distribuer des kits de campagnes, ces fameux Yards Signs – ces pancartes ornant les jardins américains -, mais aussi des affiches de toutes sortes en différentes langues, défendant les intérêts de telles ou telles communautés, de tel ou tel sujet.
800 000 portes par jour
Dans une autre partie de cette forteresse improvisée, un espace de restauration est mis à disposition des militants et des sympathisants pour que chacun se sente libre de participer selon ses moyens. Personne n’est d’ailleurs étonné de croiser quelques sans-abri qui profitent de l’occasion pour s’alimenter. L’ambiance joyeuse ne laisse pas, ou peu, paraître l’anxiété liée à l’issue imminente du scrutin.
Nous nous sentons concernés par ce que Trump pourrait faire à ce pays et nous voulons aider.
Plus de la moitié des participants ne sont pas habitants de l’État de Pennsylvanie. Certains viennent du Maine, un État qui se trouve à plus de 8 heures de route. D’autres arrivent des États voisins, de Virginie, de New York, du Connecticut ou de Rhode Island voire, pour les plus valeureux, de l’Oregon, État qui se trouve à l’extrême ouest du pays. Il y a même une équipe de jeunes Danois qui a fait le déplacement : “Nous nous sentons concernés par ce que Trump pourrait faire à ce pays et nous voulons aider. Avec Kamala Harris, c’est la démocratie qui l’emportera”.
Nous partons en porte-à-porte avec David, ancien collaborateur de Ted Kennedy, ancien sénateur démocrate et frère de l’ancien président. La veille, les équipes démocrates de Pennsylvanie ont frappé, selon le staff, à environ 800 000 portes (moyenne quotidienne). Dans un État qui compte presque 13 millions d’habitants – soit environ la population d’Île-de-France -, c’est la possibilité pour chaque électeur d’être sollicité près de huit fois pendant toute la campagne.
Les volontaires font souvent face à de vives réactions de certaines personnes sursollicitées, excédées par tant de visites, de coups de fil et autres publicités. L’échéance du 5 novembre s’invite partout dans les rues de Pennsylvanie. À la radio, à la télévision, dans les jardins, ou sur les ponts, jusqu’aux écrans géants qui bordent le Turn Pike, cette autoroute qui mène au centre de la ville, il est difficile, voire impossible d’échapper à la bataille menée entre Républicains et Démocrates.
Si nous participons déjà à faire vivre la démocratie, alors nous avons gagné.
David
Le premier porte-à-porte est un échec. Le deuxième, pareil : une dame, visiblement en mauvaise santé, ne souhaite pas poursuivre l’échange. Au gré des rencontres, des refus ou des absences, David remplit les données de son application mobile, outil indispensable des volontaires pour fédérer l’ensemble des initiatives et actions militantes : “Et tu vois là, on sait qu’on a déjà fait 50 % de notre ciblage, donc tu cliques ici et tout est envoyé au serveur du national et ils pourront transmettre les infos aux équipes de volontaires du lendemain”, me confie David.
« Les gens ont besoin de contacts humains »
Sur cette application, on y retrouve tous les documents de campagne dédiés aux volontaires : les méthodes de vote, les éléments de langue pour le porte-à-porte, une fiche avec des « Do’s & Don’ts » – soit « ce qu’il faut faire et ne pas faire » – ainsi qu’une large page consacrée aux arguments politiques sur le projet politique de la candidate démocrate.
« À ce stade de la campagne, nous ne rencontrons pas de personnes qui ont besoin d’être convaincues”, veut croire David. “Pour la plupart, ils savent déjà pour qui ils veulent voter, mais si nous participons déjà à faire vivre la démocratie, alors nous avons gagné. Un candidat élu par des gens qui votent sera plus légitime que des gens qui boudent les urnes ! »
Pour ces volontaires, le porte-à-porte est une évidence, convaincus que c’est la meilleure manière de rapprocher les électeurs de la politique. “Les communications via les réseaux sociaux c’est une chose, mais ça ne suffit pas. Les gens ont besoin de contacts humains ! » insiste David. Reste à en mesurer l’efficacité. Réponse dans quelques heures…