Coupes claires dans les Pays de la Loire
La présidente du conseil régional annonce un plan de destruction massive du budget de la culture.
« Le monde du cinéma prône des valeurs partagées par la région, qui sont portées haut et fort par le festival : la rencontre, la mixité et le partage de nombreuses cultures et histoires. Je tiens à remercier sincèrement les organisateurs du festival des 3 Continents qui, par leur investissement, font rayonner le cinéma dans toute sa diversité et mettent en avant des œuvres et des personnalités influentes du monde entier au cœur de notre région ; une rencontre précieuse à l’heure où le monde est en proie aux divisions et aux conflits ».
Ces lignes empreintes de chaleur et de gratitude sont de la plume de Christelle Morançais, la présidente du conseil régional des Pays de la Loire, dans le catalogue du festival des 3 Continents, dont la 46e édition s’est achevée le 23 novembre à Nantes, auréolé de deux beaux films à son palmarès : Hanami, de la capverdienne Denise Fernandes (Montgolfière d’or) ; et Super Happy Forever, du japonais Kohei Igarashi (Montgolfière d’argent).
Que n’a-t-elle mille fois raison ! Ce festival convivial, ouvert, à haute teneur cinéphilique et qui ne cesse de faire le plein de spectateur.rices de tous âges figure à nos yeux parmi les plus stimulants (voir notre article récent où nous nous donnions la parole à Jérôme Baron, son directeur artistique).
C’était sans compter sur Morançais Christelle, la Dre Jekill et Ms Hyde des Pays de la Loire. Dans le courant de la semaine dernière, Mme la présidente a en effet fait fuiter qu’elle s’apprêtait à couper drastiquement dans les crédits alloués à la culture en 2025. On parle d’une réduction d’une ampleur sans précédent : plus de 70 %. Le sport, la vie associative, le bénévolat, les solidarités, le civisme et l’égalité femme-homme seraient touchés de la même manière (globalement, alors que l’État lui demande 40 millions d’économie, elle en annonce 100).
Si tel était le cas – on le saura le 19 décembre, jour où le vote à l’assemblée régionale aura lieu – le pionnier Wauquiez passerait pour un amateur ! On ne compte plus le nombre de structures (festivals, théâtres, musées, sociétés d’édition, de production audiovisuelle, maisons d’auteur·rices, centres d’art, compagnies…) qui en seraient durement affectées, et dont certaines ne pourraient se relever. Ce sont aussi 160 000 emplois locaux concernés, de permanents et d’intermittents, qui seraient menacés.
Le mauvais scénario de Mme Morançais risque de se solder par un nanar politique.
Face aux premières protestations, l’élue a joué la victime via le réseau X (ex-Twitter) : « La culture serait donc un monopole intouchable ? Le monopole d’associations très politisées, qui vivent d’argent public. Je suis la cible de militants… » Reconnaissons-là toute la maestria dans l’argumentation d’une ex-filloniste, proche de Retailleau et désormais membre d’Horizons (bouchés). La même qui, lors des élections législatives de cet été, a appelé à voter blanc au second tour en cas de duel RN-NFP. Son texte pour le catalogue du festival des 3 Continents n’était donc qu’un accident : son correcteur d’orthographe a confondu « cinéma » avec « cynisme » et « partage » avec « poujadisme ».
Dans un communiqué, Jérôme Baron lui a répondu par ces mots impeccables : « Les arts et la culture nous aident à mieux vivre nos vies, à les penser en les partageant. Ils ne sont pas accessoires, secondaires, subsidiaires, ils sont seulement les signes les plus élevés de notre humanité. Les négliger, les tenir pour marginaux, c’est s’attaquer à la société bien au-delà des artistes eux-mêmes. » Sur place, la mobilisation s’organise. Libération vient de publier une tribune signée par plus de 500 artistes et professionnel.les contre ces coupes budgétaires. Le mauvais scénario de Mme Morançais risque de se solder par un nanar politique.
L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don