Fake news, maladie incurable de la démocratie
De cette présidentielle américaine incertaine, ce qui subsistera pour longtemps comme un mal profond et contagieux, c’est le mensonge qui mine la démocratie, jusqu’aux racines de ce bien commun, le langage.
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Pour l’équipe de Kamala Harris, la stratégie acharnée du porte-à-porte Pouvoir et médias : l’art de fasciser l’espace public États-Unis : une dystopie encorporée Présidentielle américaine : un enjeu planétaireQuand vous lirez cet article, lectrices et lecteurs, vous saurez peut-être ce que j’ignore à cet instant, c’est-à-dire l’issue de la présidentielle américaine. Ce qui n’est même pas sûr en regard des menaces qui pèsent sur l’intégrité du scrutin. Des menaces qui viennent d’un homme, Donald Trump, et de son allié, Elon Musk, devenu grand industriel de la manipulation. Et, au fond, le curriculum vitæ de ces deux personnages est peut-être l’explication de la calamité qui s’abat sur l’Amérique depuis plusieurs mois. Les deux viennent de ce que le privé peut donner de pire. « Bien public » et « intérêt général » n’appartiennent pas à leur vocabulaire. L’un, promoteur immobilier et showman de la vulgarité télévisuelle ; l’autre, scientiste, génial peut-être, mais dépourvu de toute conscience. L’un qui produit les mensonges sans aucune limite ; l’autre qui les diffuse à millions ou milliards de cerveaux.
L’amalgame est un exercice dans lequel Trump excelle.
À eux deux, ils ont aboli la vérité, et abruti une population qui avait, certes, quelques raisons, bonnes ou mauvaises, de se laisser tenter par leur miroir aux illusions. Cette classe moyenne blanche qui a subi de plein fouet le déclassement social. Deux années d’une inflation géante (plus de 9 % en juin 2022) que le redressement des derniers mois n’a pas effacée, notamment parce que cette population a été gavée d’amalgames entre le social et la question migratoire. La vie chère et la hantise du « grand remplacement ». L’économiste Jason Furman, ancien conseiller d’Obama, avançait déjà en novembre 2023 l’hypothèse que le pessimisme économique des classes moyennes était une réaction « à des actualités non économiques telles que l’immigration ou la criminalité ».
Or, l’amalgame est précisément un exercice dans lequel Trump excelle. S’il est vrai qu’en dix ans, de 2010 à 2020, la part de la population blanche a baissé de 9 %, c’est un gigantesque mensonge nourri de racisme que, face à cela, Trump vend à ses électeurs : le retour en arrière. Une histoire soudain immobile. De la « déportation » des immigrés en situation irrégulière (Retailleau n’est pas loin), Trump a fait son principal argument de campagne.
L’autre grande imposture, ce sont les « solutions économiques » que Trump promet aux Américains. Une guerre commerciale planétaire avec ses fameuses « barrières douanières » qui taxeraient de 10 à 20 % tout produit d’importation, et jusqu’à 60 % pour la Chine. Un niveau de protectionnisme jamais atteint depuis les années 1930. Mais nous vivons aujourd’hui sous le régime de la mondialisation. Pas besoin par conséquent d’être un grand économiste pour anticiper les représailles que la Chine et, à un degré moindre, l’Europe, imposeraient aux États-Unis. Et pour comprendre que les électeurs de Trump subiraient des hausses de prix vertigineuses sur les produits importés. Autrement dit, après une possible embellie qui résulterait d’un protectionnisme forcené, l’effet boomerang serait terrible.
Comment imaginer que la guerre commerciale qu’il annonce ne créerait pas des désordres et des violences extrêmes ?
C’est ici qu’il faut faire un sort à une autre contrevérité qui est sortie de la bouche de Trump, mais qui a aussi été beaucoup reprise chez nous, parfois même à gauche : Trump n’a jamais fait la guerre nulle part. Il serait donc un grand pacifiste. Comment imaginer que la guerre commerciale qu’il annonce ne créerait pas des désordres et des violences extrêmes ? Et que dire des guerres que Trump mènerait à sa façon, en donnant l’Ukraine à son ami Poutine, l’encourageant à d’autres aventures, et la Cisjordanie aux colons israéliens, voire en donnant son feu vert à Netanyahou pour attaquer l’Iran ? Sans parler de l’abandon de toute disposition pour combattre le réchauffement climatique, ce « canular ». Certes, une petite partie de ce qui est redouté ici sera peut-être obsolète dans quelques jours. Mais ne nous berçons pas d’illusion : les recettes du camp démocrate ne sont parfois que la version douce du plan Trump.
La grande différence, c’est évidemment le sort des femmes, dont le vote devait être la clé de l’élection. Mais ce qui subsistera pour longtemps comme un mal profond et contagieux, c’est le mensonge qui mine la démocratie, jusqu’aux racines de ce bien commun, le langage. C’est la violence. Cette épidémie de populismes frappe déjà de nombreux pays. Le nôtre n’est pas épargné, même si tout est relatif. S’il advenait que Washington devienne la capitale mondiale des autocrates et des dictateurs, l’avenir serait bien sombre. Car, si Trump a proféré au moins une fois une vérité sur lui-même, c’est lorsqu’il s’est décrit devant le président chinois Xi Jinping comme un « putain de taré ». On ne saurait mieux dire.
Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.
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