20 000 personnes expulsées : l’amer bilan social des Jeux 2024 de Paris
Le collectif Le Revers de la médaille publie un rapport documentant la situation des personnes à la rue ou en habitat précaire avant, pendant et après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Il met en lumière le nettoyage social que la capitale a subi, qui continue.
20 000. C’est le nombre de personnes expulsées, que le collectif Le revers de la médaille a affiché sur la Tour Eiffel, dimanche 3 novembre, au cours de sa dernière action. Le collectif est né à l’initiative de Médecins du monde et rassemble une centaine d’associations comme Utopia 56, la Cimade ou encore le collectif Les morts de la rue.
19 526 personnes ont ainsi été déplacées pour accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Des personnes en situation de précarité qu’il fallait invisibiliser, jugées « indésirables ». Maintenant que la fête est finie, l’heure est au bilan, dans un rapport qui vient d’être publié, et le constat est amer.
Des expulsions sans diagnostic social
Cet « effet JO », Thomas Dufermont, chargé de mission à Romeurope et coordinateur de l’Observatoire des expulsions, l’a remarqué, chiffre à l’appui. Augmentation du nombre de personnes expulsées de près de 33 % par rapport à l’année 2021-2022, mais aussi dégradation de la mise en œuvre de ces évacuations. Selon le rapport, deux tiers des expulsions sur les lieux de vie informels se déroulaient sans diagnostic social préalable. Pourtant, depuis l’instruction ministérielle du 25 janvier 2018 encadrant la résorption « des campements illicites et des bidonvilles », ces diagnostics sont censés être systématiques.
Dans 64 % des cas, aucune solution d’hébergement n’était proposée, selon le collectif. Pour le reste, les personnes se voyaient contraintes de retourner à la rue, dans une encore plus grande précarité. Les fondements légaux de ces procédures d’expulsions, comme les arrêtés préfectoraux, ne permettaient pas d’effectuer des recours juridiques, faute de temps.
Un “confinement olympique”
Des choses ont tout de même été mises en place, mais toujours insuffisantes, selon les associations. Des sas d’accueil temporaire en régions ont été utilisés, d’autres créés pour l’occasion. Un moyen de déconcentrer la région Île-de-France. Les personnes envoyées dans les sas ne pouvaient rester que trois semaines seulement, à la suite desquelles seulement 40 % d’entre elles et eux obtenaient des solutions à moyens termes.
On nous chassait (…) On ne devait pas donner une mauvaise image de la France.
K. Sangare
Pour celles et ceux qui n’ont pu en bénéficier ou qui ont refusé de partir, Camille Gardesse, sociologue invitée à la conférence de presse, parle de « confinement olympique ». Ils et elles ont été obligé·es de se cacher pour ne pas être contrôlé·es et possiblement arrêté·es. Cela a été particulièrement le cas pour les personnes sans papiers. Kadiatou Sangarre, porte-parole du collectif Les Femmes dans la rue du 93 raconte : « On nous chassait, on devait se cacher, ne jamais rester fixes. On ne devait pas donner une mauvaise image de la France ».
Une réalité qui n’est pas propre au JOP
Mais le problème n’est pas nouveau. Les places d’hébergement d’urgence manquent. Après les Jeux olympiques, la question de la prise en charge des personnes précaires reste la même. Karidjatou Cissé, une autre femme du collectif, dénonce, larmes aux yeux, cette forme d’indifférence systématique. La jeune femme de 25 ans est arrivée il y a cinq ans à Paris.
Cinq ans d’errance sans jamais réussir à être hébergée malgré ses appels au 115 : « Je n’ai pas d’enfant et je ne suis pas enceinte, je ne suis donc pas prioritaire ». 3 500 personnes ont été décomptées comme étant à la rue à Paris lors de la nuit de la solidarité. Des hommes et des femmes mais aussi des enfants et des mineur·es non accompagné·es. Seules 250 personnes sans-abri ont été relogées pendant les JOP. « Il aurait fallu 112 millions d’euros pour reloger les personnes dans la rue à Paris ce qui ne représentait que 0,84 % du budget des JOP », a martelé Paul Alauzy, porte-parole.
Une lutte qui ne s’arrête pas pour les différentes associations qui structurent le collectif. Désormais, ils et elles espèrent que leurs recommandations seront suivies pour les prochains Jeux, notamment avec l’élaboration d’une charte sociale. « Si nous n’avons pas gagné cette fois-ci, au moins nous avons permis de parler de cet enjeu, qui sera encore plus grand pour les prochains Jeux olympiques de Los Angeles », précise Antoine Declercq, coordinateur. La question sociale sera-t-elle prise en compte avant l’organisation de tels évènements ? Rien n’est moins sûr.