Liquidation de Fret SNCF : les syndicats préparent la riposte
Après l’annonce de la liquidation, au 1er janvier 2025, de Fret SNCF, les syndicats de cheminots unis ont été reçus par la direction ce 5 novembre. Ils déplorent un passage en force et annoncent une « fin d’année très conflictuelle ». Première journée de grève prévue le 21 novembre.
Quand rationalisation économique et néolibéralisme rencontrent nécessité écologique et service public, ça se termine rarement bien. Dernier exemple en date : l’annonce de la liquidation de Fret SNCF, leader du fret ferroviaire français, au 1er janvier 2025. Cela n’est pas étonnant. Cette annonce s’intègre dans le « plan de discontinuité » négocié entre l’État Français et la Commission européenne.
En effet, le 23 mai 2023, le ministre des Transports de l’époque, Clément Beaune, a annoncé une nouvelle restructuration du fret ferroviaire public, censée éviter une condamnation de Bruxelles pour aides jugées illicites, du fait d’une « concurrence déloyale ». Ce plan s’est d’abord traduit par le renoncement, pour Fret SNCF, à 23 trafics ferroviaires – dont certains parmi les plus rentables – obligeant à ouvrir ces voies à la concurrence.
La deuxième étape annoncée est donc la liquidation de l’entreprise, pour créer deux sociétés distinctes baptisées Hexafret pour le transport de marchandise et Technis pour la maintenance des locomotives. Une transformation qui s’accompagne d’une réduction de 10 % des effectifs (500 postes). Une décision difficilement compréhensible tant le fret ferroviaire est – de loin – la méthode la plus écologique pour transporter des marchandises.
Or, la France fait déjà figure de mauvaise élève. Le fret représente à peine 10 % du transport terrestre de marchandise dans l’hexagone. En Allemagne, c’est près du double. Une part qui s’est réduite sur les 10 dernières années.
Détricotage
À travers cette décision, le détricotage en règle de l’opérateur public du fret se poursuit donc. Au grand dam de toutes les organisations syndicales représentatives (CGT, CFDT, Unsa, SUD), unies en intersyndicale depuis l’annonce de ce plan de discontinuité.
Cette liquidation est tout sauf un choix de développement.
L. Ledocq
« On n’a cessé de se battre contre ce plan. On demande un moratoire sur celui-ci, le temps d’étudier les solutions que l’on met sur la table. Mais notre direction et le gouvernement ne veulent pas en tenir compte et s’obstinent », regrette Lionel Ledocq, en charge de ce dossier à l’Unsa. Une commission d’enquête parlementaire transpartisane avait également demandé ce moratoire en décembre dernier.
Le gouvernement a préféré faire fi de ces demandes et recommandations. Et le changement de ministre des transports n’a pas changé la donne. « Il ne va pas contre son prédécesseur, mais ce n’est pas étonnant », poursuit le syndicaliste de l’Unsa. Même son de cloche du côté de la CGT : « Le choix qui est fait par l’actuel gouvernement est de définitivement créer les conditions du désengagement de l’État dans des outils publics comme la SNCF. Cette liquidation est tout sauf un choix de développement », tacle Thierry Nier, secrétaire général de la CGT-Cheminots.
« La SNCF s’est battue aux côtés de l’État pour obtenir la discontinuité la plus modérée possible », a, de son côté, communiqué à l’AFP Frédéric Delorme, le président de Rail Logistics Europe, la holding regroupant toutes les activités de fret de la SNCF (Fret SNCF, Captrain, transport combiné, etc.), Une affirmation qui ne passe pas. « Rien n’obligeait cette décision. Ils auraient clairement pu mettre ce plan en pause », affirme Julien Troccaz, responsable Sud Rail à Fret SNCF.
Surtout, que toutes les organisations syndicales soulignent que si Fret SNCF a perdu en puissance, c’est dû à des décisions politiques à répétition qui l’ont affaibli, depuis l’ouverture à la concurrence en 2006. « L’entreprise a fermé des gares de triages, a supprimé des emplois, a détricoté notre réseau de commerciaux qui pouvait suggérer aux entreprises, sur le terrain, de travailler avec nous. Cet affaiblissement est le choix unilatéral de l’entreprise », affirme Thierry Nier. « Une partie du réseau est devenue obsolète du fait d’une volonté politique », abonde Lionel Ledocq.
« Journée ultimatum »
Surtout, les acteurs du secteur regrettent qu’une nouvelle discussion avec la Commission européenne ne soit pas engagée par le gouvernement. En effet, depuis les élections européennes, c’est Teresa Ribera, une socialiste espagnole, qui a été nommée vice-présidente exécutive pour une transition propre, juste et compétitive. « Peut-être qu’elle aurait été ouverte à la discussion. Mais on n’a même pas essayé », regrette Julien Troccaz.
La fin d’année va être conflictuelle. Très conflictuelle.
J. Troccaz
L’annonce de la liquidation de Fret SNCF dans moins de deux mois a donc été un « nouveau choc » pour les syndicats qui ne comptent pas en rester là. Selon nos informations, de manière unitaire, les organisations représentatives des salariées vont appeler à une grande journée de grève nationale le 21 novembre. Une « journée ultimatum », assure la CGT.
« Si à l’issue de cette grève on n’est pas entendu, on agira de manière beaucoup plus forte en décembre », promet Thierry Nier, qui évoque la possibilité d’une grève reconductible qui pourrait durer, comme cela avait été le cas en décembre 2019 avec la réforme des retraites avortée d’Edouard Philippe. Julien Troccaz prévient, en conclusion : « La fin d’année va être conflictuelle. Très conflictuelle. »