Faire face au nouveau régime climatique

Le gouvernement fait preuve d’une inconscience crasse en présentant un Plan d’adaptation à une augmentation de la température de 4 °C, estime l’écologiste Alain Coulombel, membre du bureau exécutif des Écologistes.

• 12 novembre 2024
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Faire face au nouveau régime climatique
Une femme nettoie la boue parmi les débris dans une rue de Paiporta, au sud de Valence, dans l'est de l'Espagne, le 6 novembre 2024. Les inondations ont fait plus de 200 morts.
© JOSE JORDAN / AFP

Petit traité de la démesure / Alain Coulombel / Éditions Le Bord de l’eau, octobre 2024.

Les violentes inondations qui ont ravagé la région de Valence en Espagne, après les crues hors normes que les départements du Var et de l’Ardèche ont connues, sont l’expression, brutales, chaotiques, de ce que Bruno Latour appelait notre « nouveau régime climatique ». Un régime marqué par l’instabilité et la démesure des événements météorologiques et géologiques auxquelles l’humanité doit déjà faire face.

On a beaucoup écrit sur la dimension prométhéenne de l’homme, comme s’il s’agissait à chaque fois de rappeler que nos propres excès avaient une dimension titanesque ou mythologique. On se souvient que les Grecs redoutaient la démesure (l’hubris) au nom de l’ordre et de la justice, de la stabilité des institutions de la cité. Selon Étienne Tassin, la démesure conduit à un monde brisé, épars, brutal, sauvage, chaotique, un monde n’offrant plus aucun horizon de sens ni aucune perspective. Un monde sans visage, « radicalement étranger à la belle harmonie du cosmos antique ».

Aujourd’hui, la démesure de la puissance technoscientifique traduit l’image d’une humanité emportée par le vertige de sa propre puissance et déclenchant au sein de la nature des processus qu’elle ne maîtrise pas. Ce dont nous avait alerté, dès 1972, le rapport Meadows sur les limites à la croissance mais sans grands effets sur le cours mortifère du capitalisme continuant à piller, extraire, produire, consommer, jeter.

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La poursuite d’une croissance illimitée, qui reste le credo de nos sociétés, témoigne du tragique de notre condition. Nous savons que nous avons dépassé sept des neuf limites planétaires (changement climatique, érosion des sols, biodiversité, acidification des océans…), les rapports s’accumulent sur le sujet mais nous restons prisonniers d’un imaginaire centré sur la croissance, la prédation des ressources, l’état d’urgence permanent.

Difficile dans ces conditions d’être optimiste. Tout converge déjà vers une planète partiellement inhabitable, des sols dégradés perdant leur qualité nutritive, des forêts calcinées, des chaleurs humides, des glaciers qui reculent ou disparaissent. Croire que l’Europe occidentale pourrait être épargnée relève d’une douce chimère ou d’un aveuglement criminel.

L’urgence n’est pas d’envisager un monde à plus 4 °C mais à réduire drastiquement notre consommation d’énergies fossiles et de matières premières.

Que des responsables politiques français puissent sérieusement envisager des politiques d’adaptation (comme le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique) à une augmentation de la température de 4 °C relève d’une inconscience crasse quand on constate la multiplication des phénomènes extrêmes liée à un réchauffement de plus de 1,2 °C par rapport au début de l’ère industrielle.

À plus 4 °C le sud de l’Europe ressemblera au Sahara actuel, les récifs coralliens ou la neige de l’Himalaya auront disparu, le littoral sera exposé à la montée du niveau de la mer et des centaines de millions de réfugiés climatiques erreront à travers la planète dans un contexte de luttes pour l’accaparement des ressources, en particulier sur l’eau et les ressources alimentaires.

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L’urgence n’est pas d’envisager un monde à plus 4 °C mais à réduire drastiquement notre consommation d’énergies fossiles et de matières premières, de réduire la taille de nos métropoles, de redécouvrir les liens entre les entités humaines et non humaines et de faire émerger d’autres rapports au temps qui ne soient plus dominés par la vitesse, la réactivité et l’impatience. Ralentir, décroître, sortir de l’affairement, atterrir comme nous invitait à le faire urgemment Bruno Latour.

Notre décennie critique (2020-2030) doit nous préparer à des pratiques plus sobres et plus économes, à d’autres manières d’habiter la Terre et à nous battre contre toutes les formes d’écocide. Sans quoi notre empreinte écologique continuera à croître jusqu’à ne plus autoriser aucun futur hospitalier.

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Tribunes

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