Appel contre « une grande coalition »

Une trentaine de personnalités, électeurs et soutien du NFP, demande à toutes les forces de gauche de rejeter de la façon la plus nette cette perspective, qui est néfaste sous plusieurs aspects.

Collectif  • 10 décembre 2024
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Appel contre « une grande coalition »
Les représentants des forces de gauche membres du Nouveau Front populaire, à Paris, le 14 juin 2024.
© Maxime Sirvins

Lors des législatives de l’été dernier, le Nouveau Front populaire s’est agrégé autour d’une idée simple : pour battre l’extrême droite, proposer une alternative de gauche au macronisme déclinant et un programme de rupture nette avec les politiques néolibérales qui ont caractérisé non seulement les deux quinquennats Macron, mais aussi ceux de ses prédécesseurs, Sarkozy et Hollande. Cette alliance, construite dans l’urgence de la dissolution décidée par surprise par le président de la République, ne constituait pas, pour nous, un simple accord électoral, mais la traduction concrète d’un projet stratégique pour donner à la crise économique, sociale, politique et institutionnelle que traverse la France, une solution fondée sur la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. 

Nous partageons entièrement la position qui était celle du NFP dans toutes ses composantes à l’issue des législatives qui l’ont vu arriver en tête : Lucie Castets aurait dû conduire un gouvernement qui, se fondant sur le programme défendu par le NFP devant les électeurs, aurait ensuite eu pour tâche de construire, texte par texte, des majorités à l’Assemblée nationale.

La ligne antidémocratique et autoritaire de Macron

La tentative d’ignorer le résultat des législatives ayant échoué, les forces de gauche se retrouvent en position de force pour exiger de Macron qu’il respecte enfin la démocratie…

On sait que le président Macron en a décidé autrement, en donnant la énième preuve de son autoritarisme et du peu de respect qu’il porte à la volonté des citoyens. En forçant son mandat constitutionnel, qui lui attribue le pouvoir de nommer, et non de choisir comme bon il lui semble, le premier ministre, il a confié les rênes du gouvernement à Michel Barnier, qui appartient à l’une des plus petites forces représentées à l’Assemblée nationale. On sait aussi que cette tentative se fondait sur le rejet total, par les députés du « socle commun », du barrage républicain qui avait pourtant largement contribué à leur élection ; le gouvernement Barnier a lié son destin au bon vouloir de l’extrême droite. Et on sait, pour finir, que cette expérience s’est terminée par un échec cuisant.

En électeurs et soutiens du NFP, la suite logique de cette série d’événements nous semble obligée : la tentative d’ignorer le résultat des législatives ayant échoué, les forces de gauche se retrouvent en position de force pour exiger de Macron qu’il respecte enfin la démocratie et les institutions républicaines, en laissant à la coalition qui a recueilli le plus grand nombre de suffrages la possibilité de gouverner avec leur programme. Cependant, fidèle à sa ligne antidémocratique et autoritaire, et décidé à prolonger ses politiques malgré leurs effets délétères sur tous les plans, Macron joue une autre carte : celle d’une « grande coalition » qui renouerait avec le « ni droite ni gauche » au cœur de sa première campagne électorale.

Nous demandons à toutes les forces de gauche de rejeter de la façon la plus nette cette perspective, qui est néfaste sous plusieurs aspects.

Les quatre plaies d’une « grande coalition »

En premier lieu, pour le respect de la démocratie et du parlementarisme. Il y a quatre mois le NFP disait vouloir fonder son action sur le programme approuvé par ses électeurs ; la recherche de majorités à l’Assemblée impliquait de faire du Parlement le cœur de la délibération politique. Aujourd’hui Macron, l’homme des 49.3 en série, convoque des chefs de parti à l’Élysée pour négocier un programme qu’aucun électeur n’a approuvé. 

En deuxième lieu, parce que le compromis qui risque de sortir de cette perspective mérite bien le qualificatif de « pourri » : bientôt huit années de pouvoir macroniste sont largement suffisantes pour démontrer que le président n’attribue aucune valeur à la parole qu’il donne, et qu’il est prêt à énormément de concessions vers la droite et l’extrême droite, mais à aucune vers la gauche.

Toute association de la gauche au macronisme (…) aurait pour conséquence inéluctable de laisser au Rassemblement national le rôle facile de seul opposant.

En troisième lieu, car l’objectif principal du NFP est de mettre un terme aux réformes et à la pratique verticale du pouvoir de Macron, qui a subi deux échecs majeurs lors de dernières élections européennes et législatives, et qui se retrouve en encore plus grande difficulté après l’entourloupe qu’il a voulu essayer, et qu’il a ratée, avec la nomination de Michel Barnier ; que des forces de gauche contribuent à lui redonner de la légitimité et de la centralité en lui laissant jouer le rôle de l’artisan d’un gouvernement « d’intérêt général » serait pour nous totalement incompréhensible.

Enfin, et c’est sans doute le plus important : il faut mesurer la colère sociale engendrée par les politiques et les réformes impulsées par Macron et ses disciples. Toute association de la gauche au macronisme, même dans une logique de compromis, aurait pour conséquence inéluctable de laisser au Rassemblement national le rôle facile de seul opposant, et lui ouvrirait définitivement les portes du pouvoir.

Nous demandons donc aux partis et aux mouvements qui se sont alliés dans le NFP, mais plus en général à toutes les forces de gauche, politiques, associatives, syndicales, de s’opposer avec la plus grande fermeté à la nouvelle tentative d’un pouvoir aux abois de faire violence à la démocratie et d’inventer des combines qui ont pour seul objectif de survivre quelques mois à sa faillite.


Premiers signataires :

  • Bruno Amable, Professeur d’économie ;
  • Swann Arlaud, Comédien ;
  • Ludivine Bantigny, Historienne ;
  • Christian Benedetti, Acteur, metteur en scène, directeur de théâtre ;
  • Richard Beninger,   Ancien dirigeant national associatif ;
  • Marlène Benquet, Sociologue ;
  • Eric Berr,  Économiste ;
  • Taha Bouhafs, Journaliste ;
  • Johann Chapoutot, Historien ;
  • Thomas Coutrot, économiste ;
  • Laurence De Cock, Historienne ;
  • Cédric Durand, Économiste ;
  • Johan Faerber, Écrivain ;
  • Bruno Gaccio, Humoriste ;
  • Fanny Gallot, Historienne ;
  • Isabelle Garo, Philosophe ;
  • Cécile Gintrac, Géographe ;
  • Chantal Jaquet, Philosophe ;
  • Benjamin Lemoine,  Chercheur au CNRS ;
  • Cédric Liechti, Secrétaire général CGT Énergie Paris ;
  • Michael Löwy, Sociologue ;
  • Jérémy Manesse, Auteur et comédien ;
  • Nuno Martins,  Secrétaire général GISO CGT RATP ;
  • Xavier Mathieu, Comédien, ex porte-parole CGT Conti ;
  • Ugo Palheta, Enseignant chercheur ;
  • Stefano Palombarini, Économiste ;
  • Francis Peduzzi, Directeur de scène nationale ;
  • Gilles Perret, Réalisateur ;
  • Allan Popelard, Enseignant en géographie ;
  • Jean-Marc Schiappa, Historien ;
  • Clément Sénéchal, Militant écologiste ;
  • Yûki Takahata, Autrice traductrice, militante antinucléaire ;
  • Céline  Verzeletti,  Syndicaliste ;
  • Fabien Villedieu, Syndicaliste Sud Rail ;
  • Eric Vuillard, écrivain, prix Goncourt
  • Abdourahman Waberi, Écrivain et enseignant.

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