Renversements
La censure du gouvernement devait nous exposer aux pires dangers, selon la presse et les médias mainstream. Lesquels ont trouvé moins de temps à consacrer au rapport d’Amnesty International concluant qu’Israël est « responsable d’un génocide » à Gaza.
Après le renversement de Michel Barnier (qui se sera donc infligé la honte ultime de s’assujettir aux fafs pour un résultat nul), on avait, reconnaissons-le, un peu peur, parce que la presse et les médias mainstream avaient prédit que sa chute aurait pour effet premier que les infâmes officines connues sous le nom d’agences de notation allaient rétrograder la France d’AA + à ZZ Top, puis pour effet second que cette sévère sanction nous précipiterait dans une crise financière abominable, avec des hausses d’impôts d’environ 750 000 % – c’était quand même pas rien – et l’apparition, devant les commerces de bouche de France et de Navarre, d’interminables files d’attente n’ayant rien à envier à celles, restées fameuses, qui se constituaient devant les boulangeries-pâtisseries moscovites circa 1957.
Or : point.
Ces lignes sont écrites plusieurs jours après la démission de Barnier, et force est de constater que la Bourse de Paris ne s’est toujours pas effondrée sur elle-même, et que les milliardaires d’extrême droite (c’est presque devenu un pléonasme) sont toujours aussi arrogants. Le patronat essaie de nous faire croire, dans Le Figaro (1) et par la voix du boss du Medef, que « nous sommes déjà rentrés en légère récession après la censure du gouvernement », mais t’inquiète : dans la vraie vie, les patron·nes ne vont pas du tout renoncer aux centaines de milliards d’euros d’aides publiques qui leur permettent de distribuer à leurs actionnaires de somptueux dividendes.
Where else ?
Il s’en conclut qu’en psalmodiant que la censure du gouvernement nous exposait aux pires dangers, la presse et les médias mainstream ont – encore une fois – menti. Effrontément.
Car, bien sûr, la Constitution prévoit la possibilité d’une telle censure, qui n’a donc rien d’anormal dans notre démocratie – ou dans ce qu’il en reste après sept ans de macronisme, venus après cinq de hollandisme, venus après cinq ans de sarkozysme, venus après… (Je te laisse compléter.)
Par contraste, nos ambianceurs et ambianceuses ont trouvé beaucoup moins effrayant le très dense (et très minutieusement documenté) rapport d’Amnesty International concluant qu’Israël « s’est rendu et se rend toujours responsable d’un génocide » à Gaza – auquel ces irréprochables professionnel·les ont consacré beaucoup moins de temps qu’aux très imaginaires périls auxquels devait nous exposer le renvoi de M. Barnier, et cela nous montre leurs priorités, en même temps, peut-être, que le tréfonds de leurs âmes.
Et puisqu’il est ici question de M. Netanyahou, disons pour finir qu’on est, après la chute de l’immonde boucher Assad, qui est l’unique bonne nouvelle de la semaine passée, un peu consterné de voir qu’à « gauche » d’aucun·es suggèrent qu’il était, nonobstant l’immense atrocité de son règne, quelque chose comme un rempart contre « les jihadistes » : n’est-ce pas, au mot près, la rhétorique dont use le premier ministre israélien pour justifier ses propres exactions ?
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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