Le fantasme d’un scénario à la grecque

Avant le vote de la motion de censure, Michel Barnier brandissait la menace d’un scénario à la grecque en cas de rejet de son budget d’austérité. Mais la France n’est pas la Grèce, loin de là.

Liêm Hoang-Ngoc  • 11 décembre 2024
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Le fantasme d’un scénario à la grecque
© Didier Weemaels / Unsplash

Avant la censure de son gouvernement, l’ex-premier ministre Barnier, relayé par une armée d’éditorialistes, brandissait la menace d’un scénario à la grecque en cas de rejet de son budget d’austérité. La France n’est évidemment pas la Grèce, c’est un euphémisme. Son administration fiscale est autrement plus efficace.

Le PIB français (2 822 milliards d’euros en 2023) est 10 fois plus important que le PIB grec. Actuellement de 227 milliards d’euros, celui-ci n’a toujours pas retrouvé son niveau de 2009 (338 milliards d’euros), tant les politiques préconisées par la troïka ont échoué à soutenir l’économie grecque et à réduire substantiellement son taux d’endettement, qui reste supérieur à 160 % du PIB.

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En 2010, la Grèce s’endettait sur les marchés à des taux supérieurs à 30 %. Les taux grecs sont désormais redescendus à 3 % car seulement 20 % de la dette grecque est levée sur le marché, le reste étant cantonné et rééchelonné. Pour sa part, au lendemain même de la censure, le taux français à dix ans était de 2,8 % (les taux américain et allemand étant respectivement de 4 % et 2 %). Pour une inflation de 1,7 %, le taux d’intérêt réel auquel s’endette la France est donc de 1,1 %, alors que son taux de croissance potentielle est de 1,4 %.

Dès lors que les taux d’intérêt réels restent inférieurs au taux de croissance de la richesse nationale, la dette n’a pas de raison de faire boule de neige.

Dès lors que les taux d’intérêt réels restent inférieurs au taux de croissance de la richesse nationale, la dette n’a pas de raison de faire boule de neige, sauf si la politique économique menée s’avérait inefficace, à l’instar de l’actuelle politique de l’offre, qui, tout en recevant l’aval des agences de notation, n’a pas atteint ses objectifs de croissance et de désendettement.

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Les baisses d’impôts réalisées depuis 2017 ont réduit les recettes fiscales de 60 milliards d’euros par an sans produire les effets escomptés. La suppression de l’ISF, la flat tax sur les revenus du capital, la baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production, la pérennisation du CICE et la suppression de l’impôt sur les dividendes n’ont pas provoqué le choc d’investissement annoncé.

Les inégalités continueront à se creuser pendant que la maison brûle.

Une croissance inférieure aux prévisions induit par conséquent moins de rentrées de TVA, de cotisations sociales et d’impôts sur les sociétés. Pour le prochain gouvernement, la trajectoire de désendettement négociée avec Bruxelles aura d’autant moins de chance d’être respectée qu’un nouveau budget d’austérité plongerait l’économie dans une spirale récessive.

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A contrario, un gouvernement qui entendrait rétablir le plein-emploi et engager les investissements nécessaires à la transition écologique devrait nécessairement relever les impôts des classes aisées et remettre en cause les règles budgétaires européennes. La démission du rigide ministre des Finances libéral allemand Christian Lindner aurait pu en favoriser la renégociation. Malheureusement, en l’absence, en France comme en Allemagne, de majorités favorables à cet agenda, l’austérité sera imposée et les inégalités continueront à se creuser pendant que la maison brûle.

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