« Rituels du Brésil », une initiation par l’image
Capoeira, carnaval, candomblé : c’est une exploration rare que nous propose le photographe Stéphane Herbert, brossant une approche visuelle intelligente et soigneusement documentée de ces trois manifestations culturelles purement brésiliennes.
Rituels du Brésil — capoeira, candomblé, carnaval, Stéphane Herbert, éd. Hémisphères, 96 pages, 25 euros.
Du vaste et exubérant Brésil, généreux en scènes vives, il est fréquent que les publications n’empilent paresseusement que de superbes photos prévisibles au fil de leurs pages. Le spectacle, dans Rituel du Brésil, nombre d’entre-nous ne l’ont pourtant jamais vu. Pas de farniente sensuel sur les plages ni de monstrueuses chutes d’eau.
De ses multiples séjours à Salvador de Bahia, consacrés à approfondir son sujet, Stéphane Herbert, par ses photos, nous offre une saisissante ouverture sur un Brésil à la fois extraverti et secret, représenté par la capoeira, le candomblé et le carnaval. Trois manifestations culturelles emblématiques, que le peuple de « Bahia », la ville la plus africaine du pays, incarne mieux que tout autre au Brésil. Et que l’auteur intitule « rituels » avec justesse.
Son approche du carnaval en offre la démonstration la plus nette. Cette gigantesque fête populaire est souvent réduite à son expression ultragraphique, saturée de paillettes et de corps en sueur. Stéphane Herbert, pour sa part, y retrace l’empreinte indélébile des communautés spirituelles afro, dont le défilé annuel tient tout autant d’une réaffirmation culturelle historique que d’une allégresse spontanée.
C’est aussi vrai pour la capoeira, simulation chorégraphiée d’un combat, dont la popularisation, hors du Brésil, a perdu cette dimension. Quant au candomblé, le moins spontanément accessible de ces trois rituels, il plonge directement ses racines du côté des côtes d’Afrique noire.
« Équilibre entre contenu de fond et rapport émotionnel »
S’il s’appuie naturellement sur l’image pour nous faire partager ce voyage, Stéphane Herbert ne s’en contente pas. Tout autant mu par un profond respect pour les cultures populaires que par son éthique journalistique, il apporte un soin méticuleux à des légendes très documentées. Le recours constant aux terminologies locales n’a pas valeur d’érudition surplombante, il porte sa part d’initiation à la langue des rituels, dont l’auteur invite à approcher l’authenticité.
On trouvera un bel écho de ce travail dans la préface de Cristina Damasceno, qui se félicite « de constater qu’au fil du temps, des étrangers documentent les singularités de la civilisation brésilienne ». Professeure à l’École des Beaux-Arts de Salvador de Bahia, elle souligne l’importance de l’usage que fait le photographe de la couleur. « Pas de sensationnalisme. Juste un principe d’équilibre entre contenu de fond et rapport émotionnel. »
L’émotion : le photographe, qui s’illustre depuis trois décennies dans l’exercice du reportage, la magnifie à toutes les pages de l’ouvrage, de la ferveur d’un regard à la puissance d’un mouvement capturé à l’exact dixième de seconde, de l’extase irradiant d’un corps jusqu’à la sérénité communicative d’un défilé des Filhos de Gandhy.