Maintien de l’ordre : le gouvernement réfléchit à se procurer de nouvelles grenades

Dans un avis informatif du 18 décembre 2024, le ministère de l’Intérieur annonce un futur appel d’offre pour des grenades de maintien de l’ordre. Il y présente des grenades « sonores et lacrymogènes » pouvant être tirées deux fois plus loin qu’aujourd’hui.

Maxime Sirvins  • 20 décembre 2024
Partager :
Maintien de l’ordre : le gouvernement réfléchit à se procurer de nouvelles grenades
Explosion d'une grenade lors d'une manifestation contre l'A69. Crédit : Maxime Sirvins
© Maxime Sirvins

L’année dernière, un marché public pour 78 millions d’euros de grenades de maintien de l’ordre était passé par le gouvernement, comme le révélait Politis. Malgré cette commande massive contenant des nouvelles armes toujours plus dangereuses, le ministère de l’Intérieur semble avoir un appétit sans fin pour les grenades. C’est ainsi que ce 18 décembre, une annonce particulière a été publiée sur le bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP). 

Habituellement, le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SAILMI), diffuse des appels d’offres, mais pas cette fois-ci. Ici, il s’agit d’un « avis informatif » en vue d’un « appel d’offre [qui] sera publié au courant du premier trimestre 2025 ». Pourquoi alors, contrairement à l’habitude, le ministère publie un pré-appel d’offre ? La réponse se trouve sûrement dans son contenu, tant il est surprenant. 

7 lots pour 7 grenades

Divisé en sept lots, l’avis informatif révèle que le gouvernement réfléchit à se procurer des grenades encore jamais utilisées. Toutes sont au calibre 40 mm. Environ un million de grenades de 40 mm en tout genre sont pourtant incluses dans la commande de l’an dernier s’étalant sur quatre ans. Ce calibre correspondant aux normes Otan est de plus en plus utilisé par les forces de l’ordre au détriment du 56 mm mis progressivement de côté. Preuve, le 11 juillet 2024, un lance-grenades de calibre bi-tube de 40 mm était acheté pour 6,59 millions d’euros. Politis vous en parlait déjà fin 2023.

Sur le même sujet : Maintien de l’ordre : de nouveaux lance-grenades de 40 mm

Dans l’annonce du 18 décembre, trois types de grenades sont présents. Des fumigènes et lacrymogènes relativement classiques, mais aussi des « sonores et lacrymogènes ». Cette dernière dénomination n’est pas nouvelle et dans les précédentes commandes, il s’agissait majoritairement de la GM2L fabriquée par Alsetex.

Cette arme de catégorie A2 – pour matériel de guerre – a notamment été massivement utilisée lors des manifestations contre les mégabassines à Sainte-Soline. Elle est responsable de nombreuses blessures et mutilations. Par chance pour le gouvernement, la GM2L actuellement utilisée en 56 mm est aussi produite au calibre 40 mm par Alsetex. Dans la fiche du fabricant, il est indiqué qu’elle délivre un effet sonore de 153 décibels à 10 mètres, largement au-delà du seuil de douleur de l’oreille.

Vers l’infini et au-delà

Si le gouvernement cherche à s’équiper de ces grenades dont des modèles équivalents ont déjà été commandés, c’est qu’il veut les tirer encore plus loin. Aujourd’hui, l’arsenal des forces de l’ordre permet d’envoyer des grenades jusqu’à 200 mètres. Dans cet avis informatif, les portées demandées sont de 100 et 200 mètres, mais aussi de 300 et 400 mètres, soit deux fois plus loin qu’aujourd’hui. 

On peut alors se questionner sur l’intérêt d’envoyer des grenades pouvant mutiler à de telles distances, bien loin des « premières lignes » en manifestations. Il pourrait peut-être s’agir d’une demande faisant suites aux violences en Nouvelle-Calédonie, où un nouveau lanceur 12 coups a déjà été expérimenté.

Si cet avis est confirmé par un appel d’offre début 2025 comme prévu et que des entreprises comme Alsetex y répondent, il faudra s’attendre à voir des grenades explosives pouvant être tirées à 400 mètres avec une précision hasardeuse, les lanceurs actuels disposant seulement de systèmes de visées au jugé. Wait and see.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Relaxe pour deux militants des Soulèvements de la Terre
Justice 17 janvier 2025

Relaxe pour deux militants des Soulèvements de la Terre

Le tribunal judiciaire de Paris a prononcé, ce 17 janvier, la relaxe de Léna Lazare et Basile Dutertre, militants des Soulèvements de la Terre, poursuivis pour avoir refusé de comparaître devant une commission d’enquête parlementaire. Une situation inédite sous la Vᵉ République.
Par Maxime Sirvins
La journaliste Ariane Lavrilleux échappe à une mise en examen
Presse 16 janvier 2025

La journaliste Ariane Lavrilleux échappe à une mise en examen

Ce 17 janvier, l’investigatrice, convoquée au tribunal de Paris, a finalement évité des poursuites pour avoir révélé des secrets de la défense nationale. 110 organisations appellent à un renforcement du secret des sources pour la presse.
Par Maxime Sirvins
À l’instar d’Utopia 56, la criminalisation de l’aide aux personnes exilées s’accentue
Solidarité 10 décembre 2024

À l’instar d’Utopia 56, la criminalisation de l’aide aux personnes exilées s’accentue

Alors que l’association d’aide aux personnes réfugiées est visée par trois enquêtes pénales portant sur ses actions à la frontière franco-britannique, deux rapports alertent sur la volonté de criminaliser les associations d’aides aux personnes exilées et leurs bénévoles.
Par Élise Leclercq
Soulèvements de la Terre : le procès inédit de deux militants écologistes
Écologie 22 novembre 2024

Soulèvements de la Terre : le procès inédit de deux militants écologistes

Ce 22 novembre, Léna Lazare et Basile Dutertre étaient jugés pour ne pas s’être présentés à une commission d’enquête parlementaire créée après la manifestation de mars 2023 à Sainte-Soline. Dénonçant un « acharnement judiciaire », ils risquent de la prison avec sursis et de perdre leurs droits civiques.
Par Maxime Sirvins