Maintien de l’ordre : le gouvernement réfléchit à se procurer de nouvelles grenades
Dans un avis informatif du 18 décembre 2024, le ministère de l’Intérieur annonce un futur appel d’offre pour des grenades de maintien de l’ordre. Il y présente des grenades « sonores et lacrymogènes » pouvant être tirées deux fois plus loin qu’aujourd’hui.

© Maxime Sirvins
Mise à jour le 2 avril 2025
Le lundi 31 mars, l’appel d’offres pour ces grenades a été officiellement publié. On apprend que le montant total est estimé à plus de 21 millions d’euros (hors TVA) avec une valeur maximale allant jusqu’à plus de 64 millions d’euros. Étalé sur quatre ans, l’accord-cadre prévoit une quantité massive de 736 000 grenades.
Au milieu de ce nombre impressionnant figurent 400 000 « munitions 40 mm sonores-lacrymogènes » ayant une portée de 100 à 400 mètres, soit deux fois plus loin qu’aujourd’hui. Sous ce nom se cachent des modèles comme, possiblement, la GM2L d’Alsetex. Dans la fiche du fabricant, il est indiqué qu’elle délivre un effet sonore de 153 décibels à 10 mètres, largement au-delà du seuil de douleur de l’oreille. Cette arme a déjà causé plusieurs mutilations. Autre possibilité, la nouvelle cartouche sonore du même fabricant actuellement livrée chez les forces de l’ordre dont les CRS 8 avec des effets équivalents au GM2L. Ce modèle assourdissant de 40 mm, sans lacrymogène, possède une portée de 80 mètres avec un niveau sonore estimé à 161 décibels à 10 mètres et sera utilisé avec le nouveau lanceur bi-coup, Cobra.
Dans les demandes techniques exigées par le ministère de l’Intérieur, il est précisé que les grenades seront testées avec le lanceur du nouveau blindé de la gendarmerie, le Centaure. Ce véhicule a la capacité de tirer jusqu’à 30 grenades simultanément. Les documents portent même le nom du fameux blindé : « muntions_centaures ». Il faut dire que depuis son arrivée dans l’arsenal de la gendarmerie, le véhicule n’avait pas encore reçu de grenades pour son lanceur multicoups. Ce sera bientôt chose faite.
En regardant de plus près, les documents présentent les « exigences impératives » et « souhaitables » pour les futures grenades. Ainsi, la « limitation du risque d’éclats » pouvant gravement blesser ne semble que « souhaitable » pour le gouvernement. Il en est de même pour « l’absence de parties métalliques ». Des éclats métalliques de grenades, dont les GM2L, ont déjà gravement blessé voir mutilé des manifestant·es. Les entreprises ont jusqu’au 28 juillet pour déposer leurs offres. À suivre.
Première publication le 20 décembre 2024
L’année dernière, un marché public pour 78 millions d’euros de grenades de maintien de l’ordre était passé par le gouvernement, comme le révélait Politis. Malgré cette commande massive contenant des nouvelles armes toujours plus dangereuses, le ministère de l’Intérieur semble avoir un appétit sans fin pour les grenades. C’est ainsi que ce 18 décembre, une annonce particulière a été publiée sur le bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP).
Habituellement, le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SAILMI), diffuse des appels d’offres, mais pas cette fois-ci. Ici, il s’agit d’un « avis informatif » en vue d’un « appel d’offre [qui] sera publié au courant du premier trimestre 2025 ». Pourquoi alors, contrairement à l’habitude, le ministère publie un pré-appel d’offre ? La réponse se trouve sûrement dans son contenu, tant il est surprenant.
7 lots pour 7 grenades
Divisé en sept lots, l’avis informatif révèle que le gouvernement réfléchit à se procurer des grenades encore jamais utilisées. Toutes sont au calibre 40 mm. Environ un million de grenades de 40 mm en tout genre sont pourtant incluses dans la commande de l’an dernier s’étalant sur quatre ans. Ce calibre correspondant aux normes Otan est de plus en plus utilisé par les forces de l’ordre au détriment du 56 mm mis progressivement de côté. Preuve, le 11 juillet 2024, un lance-grenades de calibre bi-tube de 40 mm était acheté pour 6,59 millions d’euros. Politis vous en parlait déjà fin 2023.
Dans l’annonce du 18 décembre, trois types de grenades sont présents. Des fumigènes et lacrymogènes relativement classiques, mais aussi des « sonores et lacrymogènes ». Cette dernière dénomination n’est pas nouvelle et dans les précédentes commandes, il s’agissait majoritairement de la GM2L fabriquée par Alsetex.
Cette arme de catégorie A2 – pour matériel de guerre – a notamment été massivement utilisée lors des manifestations contre les mégabassines à Sainte-Soline. Elle est responsable de nombreuses blessures et mutilations. Par chance pour le gouvernement, la GM2L actuellement utilisée en 56 mm est aussi produite au calibre 40 mm par Alsetex. Dans la fiche du fabricant, il est indiqué qu’elle délivre un effet sonore de 153 décibels à 10 mètres, largement au-delà du seuil de douleur de l’oreille.
Vers l’infini et au-delà
Si le gouvernement cherche à s’équiper de ces grenades dont des modèles équivalents ont déjà été commandés, c’est qu’il veut les tirer encore plus loin. Aujourd’hui, l’arsenal des forces de l’ordre permet d’envoyer des grenades jusqu’à 200 mètres. Dans cet avis informatif, les portées demandées sont de 100 et 200 mètres, mais aussi de 300 et 400 mètres, soit deux fois plus loin qu’aujourd’hui.
On peut alors se questionner sur l’intérêt d’envoyer des grenades pouvant mutiler à de telles distances, bien loin des « premières lignes » en manifestations. Il pourrait peut-être s’agir d’une demande faisant suites aux violences en Nouvelle-Calédonie, où un nouveau lanceur 12 coups a déjà été expérimenté.
Si cet avis est confirmé par un appel d’offre début 2025 comme prévu et que des entreprises comme Alsetex y répondent, il faudra s’attendre à voir des grenades explosives pouvant être tirées à 400 mètres avec une précision hasardeuse, les lanceurs actuels disposant seulement de systèmes de visées au jugé. Wait and see.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un DonPour aller plus loin…

La justice française refuse de livrer le militant antifasciste Gino à la Hongrie

Gino, menacé d’extradition vers la Hongrie : « Même si je gagne ma liberté, il faudra continuer la lutte »

« Free all antifas ! » : la justice se penche sur le cas de Gino, militant menacé d’extradition
