Consultations, nouvelle méthode… L’illusionniste Emmanuel Macron ressort ses vieux tours
Le président se lance dans de grandes consultations et recycle ses formats. Une décision précipitée qui ressemble à une tentative de garder la main sur le jeu politique après la censure du gouvernement de Michel Barnier.
Assistons-nous au dernier tour de Gérard Majax ? Car l’illusion macroniste est en train de sérieusement s’effondrer. Alors que Michel Barnier a été censuré le 4 décembre par l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron devait agir rapidement, nommer un nouveau Premier ministre dans la foulée, tourner la page de l’échec politique de ce gouvernement d’alliance entre le bloc central et Les Républicains (LR) à l’assise politique plus que fébrile.
Mais soucieux de garder la main sur tout le petit monde politique, Emmanuel Macron a lancé de nouvelles consultations avec les forces politiques et les groupes parlementaires. Une manœuvre consistant à remettre à plus tard le choix du Premier ministre et contrôler la politique du pays.
Retour à zéro. Emmanuel Macron revit donc la même situation que cet été. Pendant deux mois, le chef de l’État a multiplié les discussions pour nommer le premier ministre qui se révèlera être le chef de gouvernement au bail le plus court de l’histoire de la Ve République. Depuis le 6 décembre, il multiplie donc les échanges. Il avait pourtant promis que ce serait à son futur premier ministre de « mener ces consultations » pour former un « gouvernement resserré » et « d’intérêt général », lors de son allocution du 5 décembre. Promesse non tenue.
Dès le lendemain, il consulte les forces de son socle commun (Horizons, le Modem et Ensemble pour la République). Avant d’échanger avec les socialistes. Devant Olivier Faure, premier secrétaire du parti, Boris Vallaud, chef de file des députés socialistes, et Patrick Kanner, patron des sénateurs roses, Emmanuel Macron se montre ouvert, « dans une écoute attentive et conscient de la gravité de la situation », selon les mots de Patrick Kanner.
La discussion tourne autour du constat de la crise politique, des positions du PS autour du futur premier ministre et du gouvernement, des demandes concernant le périmètre des discussions. Le soir à l’heure du dîner, il voit les dirigeants des Républicains. L’échange porte sur un pacte de non-censure, notamment avec les socialistes, et le périmètre gouvernemental du futur exécutif.
« Plateforme programmatique » et navigation à vue
Mais en 48 heures, il émet une idée devant les représentants du groupe Liot : une discussion entre toutes les forces politiques pour se mettre d’accord sur une « plateforme programmatique ». Devant les communistes ensuite, il évoque une réunion en « multilatéral » qui permettrait de faire le bilan entre toutes les forces conviées par l’Élysée avant de nommer un premier ministre.
Face aux Écologistes, il parle d’une « nouvelle méthode », une sorte de « réunion des différentes forces politiques pour échanger sur une plateforme programmatique », selon la présidente du groupe Écologiste et social, Cyrielle Chatelain, à la sortie du rendez-vous.
Cette idée, encore très floue, rappelle le format des Rencontres de Saint-Denis organisées le 30 août 2023 à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur de la sous-préfecture du département de Seine-Saint-Denis. Une initiative politique « de grande ampleur », selon les mots du Président, qui n’avait abouti à rien. Emmanuel Macron aurait-il fouillé dans ses vieux cartons pour tenter de se sortir de la crise politique ?
C’est très flou. On a l’impression qu’il a imaginé cette plateforme en même temps qu’il nous parlait.
« On lui a demandé comment cette plateforme pourrait se traduire concrètement. Il nous a répondu que cela pourrait se faire à l’Élysée dans un premier temps. Mais c’est très flou. On a l’impression qu’il a imaginé cette plateforme en même temps qu’il nous parlait », raconte un participant. « Ce matin, on nous parle de Lecornu et Vautrin. Et en fin de matinée, on parle d’une plateforme programmatique sans nous donner de nouvelle pendant des heures », dit une source au sein du groupe Liot. En clair, le Président navigue à vue.
Cette annonce serait-elle une diversion pour gagner du temps ? « L’idée, c’est d’être en capacité d’avoir un programme, pas forcément commun, mais des idées partagées, d’avancer sur des choses qui nous fassent sortir des égos politiques », explique Christophe Naegelen, député du groupe Liot à la sortie de l’entrevue.
Pour la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, « cette proposition montre deux choses. La première, c’est que le Président a compris qu’il devait arrêter d’en faire qu’à sa tête et de se précipiter dans des nominations qui conduiraient à des censures. La deuxième, c’est qu’il a répété à plusieurs reprises que la solution ne pouvait pas reposer sur un accord avec le Rassemblement national », puisque le parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella n’est pas initialement convié à ce grand rendez-vous.
« Il joue avec tout le monde et il fera ce qu’il veut à la fin »
Mais la manœuvre est loin de convaincre les forces politiques. « Nous avons une réserve. Le président doit nommer un premier ministre. Et c’est à ce premier ministre d’organiser les consultations. Et pas l’inverse. On veut qu’un premier ministre soit nommé rapidement pour ensuite travailler avec lui. Il ne faut pas inverser les rôles de chacun, estime Guillaume Gontard, chef de file des sénateurs écolos et participant à ce conclave. On connaît sa manière de fonctionner : il joue avec tout le monde et il fera ce qu’il veut à la fin. »
On peut discuter d’une plateforme programmatique mais la Constitution ne prévoit pas que ce soit au président d’organiser cela.
H. Huwart
« On peut bien sûr discuter d’une plateforme programmatique mais la Constitution ne prévoit pas que ce soit au président d’organiser cela. C’est au premier ministre de former un gouvernement, de former une majorité, de bâtir une feuille de route », affirme Harold Huwart, porte-parole du groupe Liot à l’Assemblée, contacté par téléphone aux alentours de 19 heures.
Quelques minutes plus tard, l’information tombe : l’Élysée convie toutes les forces politiques, à l’exception de La France insoumise et du Rassemblement national, à 14 heures ce 10 décembre. Objectif ? « Avancer sur un accord concernant une méthode » pour atterrir à des compromis entre toutes les forces politiques. Une manœuvre alambiquée décidée dans l’urgence. Signe d’un cafouillage généralisé au sommet de l’État.