« TXT fête Verheggen », l’au-delà du calembour
La revue TXT rend hommage à Jean-Pierre Verheggen, poète belge disparu fin 2023 qui avait fait partie de l’équipe fondatrice de la revue.
dans l’hebdo N° 1840 Acheter ce numéro
« Troumlala, TXT fête Verheggen » / TXT / éd. Lurlure, 123 p., 18 euros.
Parmi les titres de ses livres : La Grande Mitraque, Le Degré Zorro de l’écriture, Divan le terrible, Artaud Rimbur, Ridiculum vitæ… Jean-Pierre Verheggen était un as des jeux de mots et des calembours distribués en rafales. Il tirait à balles comiques dans la langue pour la trouer et lui faire rendre gorge. Décédé le 8 novembre 2023 à 81 ans, le poète belge avait fait partie de l’équipe fondatrice de la revue TXT (1969-1993), dont l’un des slogans était « langagement » (autrement dit : « En littérature, un projet politique s’incarne dans l’invention irrégulière d’une langue », selon les termes de l’un de ses chefs de file, Christian Prigent).
Un poète ? Tu parles ! Une tête brûlée, un indigène, un apache de l’écriturie ! C’est ça qu’on perd.
C. Pennequin
La revue TXT, qui a repris du service depuis 2019 avec un personnel renouvelé accompagné de membres « historiques », ne pouvait pas ne pas rendre hommage à Jean-Pierre Verheggen. C’est chose grandement faite avec la publication ces jours-ci d’un numéro hors-série qui lui est consacré. « TXT fête Verheggen », annonce la revue en couverture, le numéro ayant pour titre Troumlala, mot inventé par le poète, qui indique que la mélancolie n’est pas encouragée, parce que le défunt n’aurait pas aimé cela, ce qui n’empêche pas le chagrin. « Cette disparition, je l’éprouve et la comprends tel un manque essentiel », écrit Philippe Boutibonnes.
Témoignages d’amitié durable au-delà des désaccords, anecdotes signifiantes (ou non), études savantes ou un peu moins, outre quelques poèmes en prime… Ce numéro donne à voir, à humer, à se représenter qui était cet écrivain pas banal et sa langue animale. « Un poète ? Tu parles ! Une tête brûlée, un indigène, un apache de l’écriturie ! C’est ça qu’on perd », s’exclame Charles Pennequin.
De son côté, Jacques Bonnaffé, grand complice de scène de Verheggen, expose à sa manière pourquoi ils étaient faits pour se rencontrer. L’un des spectacles les plus épiques que le comédien a donnés sur un texte du poète s’intitulait L’Oral et hardi. « Au fond, je ne l’ai jamais joué seul, écrit Bonnaffé, JPV était chaque soir à la manœuvre, ses mots déferlaient mais se renouvelaient. » Fameux manœuvrier du verbe en effet, qu’il faut lire et relire, surtout à notre époque où la poésie s’éviscère à la minute.