Malgré la censure du gouvernement, une grève de la fonction publique fortement suivie
Selon le gouvernement, plus de 18 % des agents de la fonction publique d’État étaient en grève à la mi-journée, ce jeudi. Un taux monté à 40 % chez les enseignants du premier degré, 65 % selon la FSU.
Veni, vidi… et pas vici. Guillaume Kasbarian est venu au ministère de la Fonction publique, il a vu l’état des agents, pour beaucoup en souffrance, mais n’a pas vaincu. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. En moins de trois mois, le très droitier ministre n’a pas fait dans la demi-mesure pour s’attaquer aux fonctionnaires. Absentéisme présumé, éloge d’Elon Musk, volonté de tripler le nombre de jours de carence (d’un actuellement, à trois), les saillies démagogiques ont fusé de sa moustache, seul souvenir qu’il laissera rue de Grenelle.
Mais voilà, lui, comme l’intégralité du gouvernement de Michel Barnier, a été censuré par les parlementaires, à la suite du déclenchement de l’article 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui, justement, s’attaquait particulièrement aux droits des fonctionnaires. Cette censure, cependant, n’a pas empêché les agents de la fonction publique de fortement se mobiliser ce jeudi 5 décembre partout sur le territoire.
Cette mobilisation, appelée par la quasi totalité des organisations syndicales (CFDT, CGT, Unsa, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP) – seule Force Ouvrière manquait à l’appel, préférant organiser un mouvement sur trois jours courant décembre – a été largement suivie. Les agents de la fonction publique d’État étaient 18,62 % à faire grève à la mi-journée, soit plus de 246 000 personnes recensées selon le ministère de la Fonction publique.
L’Éducation nationale en force
Le secteur de l’éducation a particulièrement répondu à l’appel, avec d’importants taux de grévistes. Près d’un enseignant sur trois était en grève, avec un taux de 40,07 % dans le premier degré (écoles maternelles et élémentaires). La FSU, premier syndicat de la fonction publique, revendique de son côté 65 % de grévistes dans le premier degré et 54 % dans le second.
Les fonctionnaires se sont pris une avalanche d’insultes et de mensonges et là ils relèvent la tête.
B. Teste
« Plus de 200 000 manifestant·es, dans plus de 160 cortèges et lieux de rassemblements, se sont mobilisé·es contre l’austérité budgétaire initiée au titre des lois de finances », se réjouit, dans un communiqué, la CGT. « On n’a jamais été aussi haut sur des actions spécifiquement sur la fonction publique, se félicite de son côté Benoît Teste, numéro 1 de la FSU, on est très fiers. Les fonctionnaires se sont pris une avalanche d’insultes et de mensonges et là ils relèvent la tête ».
À Paris, le rendez-vous a été donné – comme un symbole –, au pied du ministère de l’Économie, à Bercy, pour le départ de la manifestation. Dans le cortège, fourni, la censure du gouvernement n’a pas démobilisé, au contraire. « Cela nous donne encore plus de forces pour nous battre. C’est le moment de créer un rapport de force pour faire passer nos revendications. Les réformes annoncées sont encore dans les tiroirs et la classe dirigeante n’attend que ça de s’attaquer encore aux fonctionnaires », souligne Nicolas, professeur de sciences physiques au lycée Voltaire, à Paris.
Dans son établissement, 74 % des enseignants se sont mis en grève ce jeudi. Il décrit une situation qui s’aggrave, d’années en années, avec des classes de plus en plus surchargées, des photocopieuses qui ne sont pas réparées, des agents régulièrement non-remplacés. Un constat tristement banal, d’un certain point de vue, mais qui illustre bien le délabrement croissant des services publics.
Quelques mètres plus loin, ce sont des fonctionnaires de l’université de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, qui sont venus ensemble pour défiler. « Je suis là pour défendre l’université publique, évidemment, mais aussi l’ensemble des services publics, massivement attaqué », note Jules, doctorant en histoire. À Nanterre, la part de non-titulaires explose, comme les taux d’encadrement.
« Faire plus, avec moins de moyens »
« Le nombre d’étudiants augmente à chaque nouvelle rentrée, à l’inverse de notre dotation. Donc on nous demande de faire plus, avec moins de moyens », explique Claire, gestionnaire administrative au sein de la fac, qui évoque des agents en souffrance face à ces conditions de travail qui se dégradent.
Emmanuel Macron ne nous écoute plus depuis longtemps, donc on n’a rien à lui dire.
Leïla
Tous dans le cortège, demandent désormais un changement radical d’orientation politique vis-à-vis des services publics. « Il y a un véritable enjeu à traiter de manière urgente les questions sociales à la hauteur de ce qu’on attend », assure Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, qui assure toutefois « ne pas avoir à faire de commentaires sur le prochain casting gouvernemental ».
Si les numéros un des organisations syndicales sont un peu frileux à l’idée d’aller sur le terrain politique, dans le cortège, les langues sont moins liées. « Emmanuel Macron ne nous écoute plus depuis longtemps, donc on n’a rien à lui dire, si ce n’est qu’il serait temps de partir », raille Leïla, chercheuse en sociologie à Nanterre qui conclut : « Entre le succès de cette mobilisation, et la censure du gouvernement, il est temps de rouvrir les possibles ».