À Paris, silence, l’État expulse !
La maire-adjointe du 12e arrondissement de la capitale explique que la ville de Paris est confrontée à une situation particulièrement préoccupante d’un nombre croissant de personnes sans-abri, que l’État ne prend pas en charge.
Jeudi 12 décembre, il fait à peine 2° quand le jour se lève sur Paris. Pourtant Mamadou et Ali, deux frères, de respectivement 2 et 4 ans, s’apprêtent à se faire expulser avec une jeune fille de 13 ans et leurs parents du centre pour demandeurs d’asile de Bercy (Cada) qu’ils occupaient jusqu’alors, leur demande d’asile ayant été rejetée. Rien d’illégal néanmoins, les modalités d’expulsion des Cada diffèrent de celles des procédures civiles.
En d’autres termes, la trêve hivernale ne s’applique pas pour ces personnes. Cependant « en raison des conditions climatiques parfois rigoureuses », la circulaire fixant les modalités d’application, demande aux préfets d’être particulièrement attentifs s’ils font le choix d’expulser, à proposer une solution transitoire d’hébergement « concomitamment à l’expulsion, éventuellement assortie de mesures de surveillance adaptées ». En l’occurrence, Mamadou et Ali sont actuellement pris en charge pour une semaine avec leurs parents dans un hôtel social en banlieue parisienne. Et après ?
Monsieur le Préfet, ou est l’humanité ? L’État va-t-il continuer dans les prochaines semaines à expulser des familles avec de jeunes enfants et ce malgré la période hivernale ? En 2023, 21 personnes sont mortes dans la rue dans le 12e arrondissement, dont un bébé de 16 mois et une petite fille de 4 ans. Au total, sur le plan national, au moins 735 personnes sont mortes de la rue en 2023 (1).
La liste a été établie par le collectif Les Morts de La Rue. Il s’agit des personnes mortes de la rue et sans chez-soi, à savoir en situation de rue ou hébergées.
Parallèlement à cela, déjà, depuis de nombreux mois, la ville de Paris est confrontée à une situation inédite et particulièrement préoccupante d’un nombre croissant de personnes sans-abri que l’État ne prend pas en charge. Pire encore, depuis 2021, on assiste à une augmentation notable du nombre d’enfants scolarisés vivant dans la rue.
Face à une telle urgence sociale et humanitaire, la ville de Paris a pris ses responsabilités, outrepassant ses compétences en ouvrant plusieurs places pour l’hébergement d’urgence à destination des familles :
- 120 places au lycée Suzanne Valadon (18e) en décembre 2023.
- 120 places à l’école Hamelin (16e) en septembre 2024.
- 40 places à l’école Goubet (19e) en novembre 2023.
- 40 places dans l’ancienne crèche Rigoles (20e).
L’État a néanmoins fait le choix de ne pas soutenir financièrement ces initiatives. Que dire aussi de la situation de plusieurs centaines de jeunes, qui faute de solution, sont hébergés dans différents lieux municipaux, qui ne sont pas conçus pour cet usage ? C’est le cas, par exemple, au sein de l’école maternelle Netter dans le 12e que nous avons décidé de mobiliser, pour permettre à plus de 150 jeunes majeurs d’y être accueillis avant le démarrage de travaux sur le site début 2025.
Malgré l’absence de compétence en la matière, la municipalité parisienne a mobilisé des moyens financiers importants pour un coût estimé à 8 millions d’euros sur un an. Mais surtout, bien que ces jeunes soient effectivement pris en charge de manière précaire par la Ville, en l’absence d’appui de l’État, ils demeurent sans aucune perspective de sortie ou de réorientation.
De telles situations ne peuvent plus durer. L’État doit prendre ses responsabilités et apporter des réponses. C’est son devoir et notre humanité.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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