Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social
Donald Trump a promis de couper dans les dépenses publiques, voire de supprimer certains ministères. Les conséquences se feront surtout ressentir chez les plus précaires.
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Donald Trump, la détestation du multilatéralisme « Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international » Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuseKamala Harris la « marxiste », la « communiste ». Quelques mots utilisés par Donald Trump pour qualifier sa rivale démocrate pendant la campagne présidentielle. Même si les politiques proposées par la vice-présidente n’avaient rien d’un programme communiste, ces mots utilisés par celui qui sera investi ce lundi 20 janvier comme 47e président des États-Unis en disent long sur l’aversion du Républicain pour toute forme de redistribution et de protection sociale provenant du gouvernement.
Sur 900 pages, le « Projet 2025 » menace les droits des minorités et des femmes, mais prône aussi une réduction drastique de la taille du gouvernement.
Les États-Unis sont loin d’être un État-providence, mais il existe tout de même des programmes pour aider les plus démunis de différentes manières. Sauf que Donald Trump a promis de réduire drastiquement les dépenses du gouvernement. Pour cela, il a nommé l’homme le plus riche au monde, propriétaire de l’entreprise Tesla et du réseau social X, Elon Musk, ainsi que l’entrepreneur républicain Vivek Ramaswamy, candidat à la primaire du Parti battu par Donald Trump, pour tailler dans les dépenses publiques.
Officiellement, ils sont à la tête d’un département – nom donné aux ministères – de « l’efficacité gouvernementale », même s’il ne s’agit pas d’un véritable portefeuille, mais d’une mission consultative. Elon Musk avait affirmé qu’il était possible de réduire les dépenses publiques de près de deux mille milliards de dollars, environ l’équivalent de 30 % des dépenses d’octobre 2023 à septembre 2024,
« Les élèves n’auront pas le soutien dont ils ont besoin »
À cela s’ajoute les indications du « Projet 2025 », la feuille de route ultra-conservatrice proposée par le think thank Heritage Foundation. Sur 900 pages, le projet menace les droits des minorités et des femmes, mais prône aussi une réduction drastique de la taille du gouvernement. Même si Donald Trump a nié toute influence, les liens entre les rédacteurs du programme et le futur président sont étroits. Une des premières implications du think tank serait une diminution, voire une disparition du ministère de l’Éducation. Les États-Unis étant un pays fédéral, les écoles primaires, les collèges et lycées dépendent de financements provenant à la fois de l’État fédéral, pour l’ensemble du pays, et de l’État, ainsi que des collectivités locales.
Washington est loin d’être le plus important contributeur. Pour l’année fiscale 2022, il fournissait 14 % des fonds, contre 44 % financés par les États et 42 % par les collectivités locales, selon les données publiques. Mais le gouvernement propose notamment des programmes pour aider les écoles dans des régions plus pauvres, où les difficultés scolaires sont plus importantes. Même si la situation n’est pas parfaite, l’objectif est de combler les différences de budget des écoles.
Nous devons pouvoir employer plus de personnes, et pas en retirer de nos écoles.
Compte tenu du fait qu’une part importante des ressources proviennent des impôts locaux, les budgets des écoles varient drastiquement en fonction des quartiers et de la richesse de leurs habitants. « Si le ‘Projet 2025’ parvient à éventrer le financement, les élèves n’auront pas le soutien dont ils ont besoin, explique le président de l’organisation Education Minnesota auprès du journal du plus important syndicat d’enseignants, The National Education Association. Et les employés qui délivrent ces services et soutiens perdront leur emploi. Nous devons pouvoir employer plus de personnes, et pas en retirer de nos écoles. »
12,5 % de la population bénéficie d’aides alimentaires
L’éducation n’est pas le seul secteur des dépenses publiques visé par les coupes budgétaires du milliardaire. Les aides pour l’accès à la santé pourraient être menacées, dans un pays où 8 % de la population n’avait pas accès à une couverture santé en 2023. Et où les franchises et conditions mises en place par les entreprises d’assurances privées sont vivement critiquées, à tel point que l’assassinat du patron d’une entreprise d’assurance maladie en décembre a suscité une vague de sympathie pour le tueur.
Le programme d’aide alimentaire est l’outil le plus efficace et important du pays pour combattre la faim.
Rapport
Il existe plusieurs programmes pour favoriser l’accès aux soins médicaux. Pour en bénéficier, il faut remplir différentes conditions (âges, revenus), et cela dépend également de l’État de résidence, car ce dernier a son mot à dire et ses propres politiques. Donald Trump n’a pas précisé ce qu’il comptait faire, mais s’est montré enclin à promouvoir une privatisation du système. Il a aussi vivement critiqué l’« Obamacare » par le passé, la loi promulguée par Barack Obama pour élargir les conditions d’accès à l’assurance santé publique. Il avait tenté, en vain, de le faire supprimer pendant son premier mandat.
Une baisse, voire une suppression, d’autres programmes sociaux pourraient aggraver les inégalités. En avril 2023, 41,9 millions de personnes, soit 12,5 % de la population, bénéficiaient du programme d’aide alimentaire « Supplemental Nutrition Assistance Program », selon le Pew Research Center. Des Think tanks conservateurs et des élus républicains ont proposé de réduire les dépenses du programme. « Ces changements réduiraient l’aide alimentaire à travers les États-Unis, rendant plus difficile l’achat de courses nécessaires pour une alimentation équilibrée pour des millions de personnes », selon un rapport du Center on Budget and Policy Priorities, précisant que ce programme est « l’outil le plus efficace et important du pays pour combattre la faim ».