« Château rouge », un avenir tout tracé

Hélène Milano fait entendre la parole d’élèves socialement défavorisés.

Christophe Kantcheff  • 21 janvier 2025 abonné·es
« Château rouge », un avenir tout tracé
L’équipe pédagogique, épaulée par une direction et une équipe de surveillants au diapason, témoigne d’une attention portée aux élèves, d’un dévouement et d’une intelligence des situations remarquables.
© Dean Media

Château rouge / Hélène Milano / 1 h 47.

On ne dira jamais assez à quel point le métier d’enseignant est loin d’être considéré à sa juste valeur dans notre pays. Si tant est qu’il faille à nouveau s’en persuader, le documentaire d’Hélène Milano nous le rappelle, qui plus est sans volonté démonstratrice. Au collège Georges-Clemenceau, situé dans le quartier populaire Château-Rouge, à Paris, l’équipe pédagogique, épaulée par une direction et une équipe de surveillants au diapason, témoigne d’une attention portée aux élèves, d’un dévouement et d’une intelligence des situations remarquables.

On voudrait faire ceci, mais on ne le peut pas. Donc on fera cela, qui permettra au système de continuer.

La tâche est pourtant rude. Derrière chaque parole, chaque comportement, il y a un contexte social et familial, qui se résume en quelques mots : la pauvreté, l’absence d’un père, la désocialisation… L’établissement est comme submergé par les problèmes de l’extérieur. Ce qui se traduit par des absences, des fugues, des conduites incontrôlées et difficilement contrôlables, de la violence plus ou moins contenue.

Les personnels du collège Georges-Clemenceau font ce qu’ils peuvent, mais cela ne suffit pas. Ne suffira jamais car l’école ne peut tout réparer. Elle peine en particulier à ce que ces enfants prennent confiance en eux. Beaucoup le disent, en tête-à-tête avec la cinéaste, ils ne se sentent pas à la hauteur de ce qu’on leur demande. Et s’ils se projettent dans une vie correspondant à leurs rêves – footballeur, avocat, ou tout simplement aller en filière générale –, le système scolaire leur intime de les revoir à la baisse. Il faut tuer leurs désirs et décrocher un bac pro.

Avenir borné

Ces filles et ces garçons, à 14 ou 15 ans, ont déjà conscience que leur avenir est borné. Ils ne sont pas dupes. « En fait, on est des pions, dit l’un d’eux. On voudrait faire ceci, mais on ne le peut pas. Donc on fera cela, qui permettra au système de continuer. » On leur passe des vidéos sur des métiers qui ne les intéressent pas et qu’ils doivent choisir – en l’occurrence, ce mot n’a pas de sens. Il leur restera à se soumettre ou à se révolter.

Précédemment réalisatrice des Roses noires (2012), notamment, qui réunissait cinq adolescentes des quartiers nord de Marseille et des cités de Seine-Saint-Denis, Hélène Milano n’innove pas quand elle filme des salles de classe où des cours ont lieu, des élèves en heure de colle ou des enseignants devisant avec la proviseure. Pour autant, Château Rouge fait entendre des paroles qui parviennent rarement jusqu’à l’extérieur. Celles-ci ne sont pas dénuées de tragique.

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