« Jouer avec le feu », extrême incompréhension

Dans le film de Delphine et Muriel Coulin, un père et un fils se perdent.

Christophe Kantcheff  • 21 janvier 2025 abonné·es
« Jouer avec le feu », extrême incompréhension
Grâce à ses qualités, Jouer avec le feu dépasse le registre du « film sociétal » et touche à des questions universelles.
© Ad vitam

Jouer avec le feu / Delphine et Muriel Coulin / 1 h 58.

Jusqu’ici Delphine et Muriel Coulin s’étaient intéressées à des univers féminins. Leur quatrième long métrage, Jouer avec le feu, met en scène une relation père-fils. Dans la région de Metz, Pierre (Vincent Lindon), veuf, employé à la SNCF, élève ses deux garçons aux parcours divergents. Louis (Stefan Crepon), le cadet, suit un parcours de lycéen classique et heureux. Son frère, Fus (Benjamin Voisin), sorti des études sans diplôme, fréquente des jeunes identitaires.

Le film montre des protagonistes qui sont tous dans une forme d’isolement traduisant l’individualisme à l’œuvre dans nos sociétés.

Le film épouse le regard de Pierre, qui ne comprend pas son fils aîné et le désapprouve, lui qui a longtemps eu un engagement syndical mais qui, depuis la mort de sa femme, a stoppé toute activité politique. Même si on ne saisit pas non plus toutes les raisons de cette attirance ressentie par Fus envers ces brutes d’extrême droite, des éléments sont donnés : son sentiment d’échec qui se transforme en amertume, l’importance conférée à la force physique (ce qui convient à ce sportif) et la chaleur et l’entraide apportées par le groupe.

Isolement

Sur ce point, le film montre des protagonistes qui sont tous dans une forme d’isolement traduisant l’individualisme à l’œuvre dans nos sociétés. Pierre a bien un collègue avec lequel il semble entretenir une relation amicale. Mais celle-ci paraît épisodique. Et ce collègue n’est d’aucun secours quand Pierre se retrouve impuissant face à la dérive de plus en plus alarmante de Fus.

D’où cette interrogation qui émerge, que les cinéastes ne rendent heureusement jamais explicite, sur l’amour que porte un père à son fils : est-il inconditionnel ? Delphine et Muriel Coulin préfèrent suggérer plutôt que de développer un discours, ce qui convient à ce film où chacun se mure dans son silence avant que n’éclate la prochaine altercation. Une solitude qui se manifeste aussi par l’absence de femmes.

Vincent Lindon, égal à lui-même dans ce rôle de père courage désireux avant tout de sauver son fils, partage l’écran avec les excellents Benjamin Voisin et Stefan Crepon. Ainsi, grâce à ses qualités, Jouer avec le feu dépasse le registre du « film sociétal » et touche à des questions universelles.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes