« Histoire(s) décoloniale(s) », éclats mémoriels
La captivante série chorégraphique de Betty Tchomanga explore les relations entre l’Occident et l’Afrique.
dans l’hebdo N° 1847 Acheter ce numéro
Histoire(s) décoloniale(s) – Portraits croisés / du 29 janvier au 1er février / Théâtre de la Bastille, Paris 11e, dans le cadre du Festival Faits d’hiver,
Ayant débuté comme danseuse à la fin des années 2000, Betty Tchomanga mène depuis les années 2010 une activité de chorégraphe qui se distingue par un désir de dépassement des limites et un engagement maximal du corps. En témoigne notamment Mascarades (2019), saisissant solo issu d’une recherche autour du culte vaudou.
Née d’un père camerounais et d’une mère française, la jeune femme dédie une part majeure de son travail chorégraphique aux relations entre l’Occident et l’Afrique. Répondant à une proposition de création jeune public faite par Le Quartz, Scène nationale de Brest, elle a réalisé récemment Histoire(s) décoloniale(s), œuvre en quatre épisodes, chacun développé avec un·e interprète spécifique.
Trois épisodes
Modulable, le projet se déploie dans des lieux (établissements scolaires, salles de spectacles…) et des formats (un épisode ou plusieurs) divers. Sous-titrée Portraits croisés, la version intégrale – environ 2 h 30 – a été créée à Brest en novembre 2024. On peut maintenant la découvrir à Paris, au Théâtre de la Bastille, dans le cadre du festival Faits d’hiver.
Le premier épisode, #Emma, retrace l’histoire du colonialisme et de l’esclavagisme via un texte convulsif – en partie autobiographique – et un matériau physique hyper expressif porté dans tout son corps, visage inclus, par Emma Tricard, que Betty Tchomanga connaît depuis l’enfance et qu’elle appelle sa « sœur-cousine blanche ». #Folly, le deuxième épisode, se focalise sur le jeune chanteur, percussionniste et danseur béninois Folly Romain Azaman, pétri de spiritualité vaudou. Alliant sa voix à une gestuelle très rythmique, en particulier au niveau des pieds, celui-ci livre un autoportrait organique, nourri d’un riche héritage culturel et traversé d’éclats d’autres vies.
Née durant la guerre d’Algérie au sein d’une famille algérienne ayant immigré en France, la chanteuse et performeuse Dalila Khatir se trouve au centre du troisième épisode, #Dalila. En écho à son parcours de vie, la performance – mêlant récits, chants, danses et jeux de voiles – fait surgir plusieurs figures féminines marquantes, dont la grande chanteuse de raï Cheikha Rimitti.
Enfin, le quatrième épisode, #Mulunesh, met en scène Adélaïde Desseauve, alias Mulunesh, danseuse krump d’origine éthiopienne, adoptée enfant par une famille française. Drôlement secouant, ce solo parlé-dansé mobilise une intense dynamique corporelle pour évoquer son histoire personnelle – reliée à l’histoire collective – et les rapports de force qui la sous-tendent.