De quoi Manuel Valls est-il le nom ?
Pour le député Aurélien Taché (LFI-NFP), le nouveau ministre des Outre-Mer, objet d’un rejet viscéral, est l’homme des doubles standards en matière de droits humains et de droit international.
Le 23 décembre, François Bayrou annonçait la composition de son gouvernement. La surprise n’est pas venue d’éventuels « poids lourds » de la gauche ou la droite d’avant. Ou de nouveaux ministres nommés pour impulser une autre politique, comme on aurait au moins pu l’espérer, alors que c’est le Nouveau Front populaire qui est en arrivé en tête des élections législatives du 7 juillet dernier.
Non la surprise est venue du fait que pour former son gouvernement, François Bayrou aura été obligé d’aller chercher les ministres les plus inconnus ou rejetés des gouvernements Attal, Borne, Phillipe et…Valls, allant jusqu’à demander à l’ancien Premier ministre de François Hollande d’intégrer l’exécutif.
Mais alors que certains s’étonnent du rejet viscéral dont le nouveau ministre des Outre-Mer fait l’objet, il apparaît utile de se demander de quoi Manuel Valls est-il le nom ?
En rupture avec l’universalisme et l’européisme
Pour une très large part de la jeunesse et de la gauche d’aujourd’hui, Manuel Valls est d’abord le nom du « double standard ». Double standard, en matière de droits humains d’abord. Manuel Valls aura par exemple été le ministre de l’Intérieur qui considère que certaines populations, en l’occurrence celles d’origines Roms, ne pouvaient, par essence, s’intégrer en France.
Stigmatisant leurs « modes de vies extrêmement différents des nôtres » et invoquant des « raisons culturelles », il estimait en effet que « la place des familles Roms ne pouvait être qu’en Roumanie ou Bulgarie », rompant ainsi avec l’universalisme et l’européisme dont il ne cesse pourtant de se réclamer.
Il défend une conception de la laïcité qui revient (…) à mener « une guerre aux musulmans ».
Devenu Premier ministre, il proposera après les terribles attentats qui ont frappé la France le 13 novembre 2015, d’instaurer la déchéance de nationalité pour les seuls terroristes binationaux. Les binationaux, français par jus soli,ne seraient alors plus considérés dans notre droit comme des « français à vie », mais soumis à un « contrôle technique » régulier.
Les origines ne sont d’ailleurs pas le seul élément suspect aux yeux de Manuel Valls, la religion peut l’être aussi. Il défend une conception de la laïcité, qui revient, ainsi que l’avait très justement dit Edwy Plenel et que je l’avais moi-même rappelé, à mener « une guerre aux musulmans ».
Un des soutiens les plus acharnés de Netanyahu
C’est ce qui explique qu’en matière de droit international aussi, Manuel Valls défend le double standard. Il est en effet l’un des soutiens français les plus acharnés de Benjamin Netanyahu et n’a pas eu un mot, pour la mort des dizaines de milliers de victimes civiles palestiniennes dont ce dernier est responsable.
Il ira jusqu’à s’en prendre à la justice internationale, en remettant en cause le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre du Premier ministre israélien.
Son arrivée au ministère des Outre-Mer est un symbole absolument détestable.
Voilà, donc, de quoi Manuel Valls est le nom. D’un double standard qui le conduit à considérer que les Roms, les binationaux et les musulmans ne peuvent entrer dans « l’universel » et que les valeurs de la République ne s’appliquent pas à eux. Pas plus que le droit international ne s’applique à ceux qui défendent les intérêts d’Israël ou de l’Occident.
Et il faudrait s’étonner ensuite qu’il soit, pour une très large part des Français, persona non grata dans la vie politique ? Son arrivée au ministère des Outre-Mer, qui est bien celui où les doubles standards et la complaisance avec le colonialisme sont les plus insupportables, est un symbole absolument détestable.
Comment accepter que le sort des Mahorais dont la vie a été comme soufflée par le cyclone Chido, celui des Martiniquais dont l’accès à l’eau est très difficile et qui sont écrasés par l’inflation, ou encore des Kanaks qui se sont vus privés de leur droit à l’autodétermination, soit entre les mains de Manuel Valls ?
Ajoutons que pour les Français de gauche, il est aussi celui qui a vainement tenté de théoriser l’irréconciliabilité de leur famille politique, alors qu’ils ont plébiscité son union en 2022, puis en 2024.
Je fais partie de ceux qui ont quitté le Parti socialiste pour fuir l’influence mortifère et le bilan désastreux de Manuel Valls. Avant de rompre avec Emmanuel Macron peu ou prou pour les mêmes raisons, qui comme son prédécesseur François Hollande, en a finalement été lui aussi réduit à la « vallsisation ».
Donc à l’heure ou antiracistes et internationalistes sont sans cesse pris pour cible dans le débat public, je considère que Manuel Valls doit être combattu pour ce qu’il est : le Iago de la gauche et un imposteur de la République.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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