Faut-il vraiment sauver les entreprises ?

Les défaillances d’entreprise ont atteint un record l’an dernier, mettant la question des aides à leur apporter au centre des débats. Mais qu’ont-elles de si important qu’il faille toujours les soutenir ?

Mireille Bruyère  • 22 janvier 2025
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Faut-il vraiment sauver les entreprises ?
© JP Valery / Unsplash

Les défaillances d’entreprises ont atteint un niveau record en 2024. Ce record ravive les débats pour savoir comment aider au mieux les entreprises. Ils opposent ceux qui pensent qu’il faut pour cela baisser le coût du travail et les réglementations environnementales et ceux qui pensent qu’il faut garantir leurs débouchés par le soutien au pouvoir d’achat et à la commande publique.

Ne faudrait-il pas plutôt chercher à les remplacer urgemment par d’autres façons de produire ?

Mais pourquoi faudrait-il aider les entreprises ? Qu’ont-elles de si important qu’il faille toujours les soutenir ? C’est quoi l’entreprise ? L’entreprise est l’organisation productive de base du capitalisme. Elle ne se confond pas avec sa forme juridique (société anonyme) car le capitalisme se caractérise par la grande échelle de son mode de production que l’on nomme aussi chaîne globale de production. Par exemple, une société anonyme sous-traitante fait partie d’une organisation productive et technologique plus vaste pilotée par un centre économique (une holding par exemple) au moyen de droits de propriétés, de créances ou de contrats commerciaux.

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Ce pilotage de la production se fait au nom du productivisme et du profit, c’est cette visée qui caractérise l’entreprise, unité de base du capitalisme. Elle est le « lieu » où se nouent concrètement les dimensions essentielles de ce dernier, à savoir la hiérarchie, la propriété privée, la course effrénée à l’innovation technologique pour réduire le travail vivant. Pourquoi alors se soucier de la santé des entreprises ? Ne faudrait-il pas plutôt chercher à les remplacer urgemment par d’autres façons de produire collectivement fondées sur l’égalité, la propriété collective, la sobriété technologique et la qualité du travail ?

Dès le début du capitalisme, le jeune mouvement ouvrier a porté cette idée d’une production collective démocratique.

Dès le début du capitalisme, le jeune mouvement ouvrier a porté cette idée d’une production collective démocratique. Ce mouvement qualifié d’utopique par un certain marxisme pose pourtant au cœur de la lutte la question de la production plutôt que celle de l’inégale répartition. Il a connu des moments de développement et de repli, des premières coopératives en 1830 au renouveau de l’autogestion des années 1970.

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Maintenant que le capitalisme rencontre des limites écologiques et sociales de plus en plus importantes pour accumuler profit et capital, modifier la répartition des richesses ne suffit pas pour orienter la production vers d’autres finalités. Il s’agit de remettre en cause l’entreprise en soutenant les coopératives et toutes les organisations productives fondées sur l’égalité et la propriété collective, mais il faut aller plus loin en permettant l’expropriation des patrons voyous comme dans le cas de GKN en Italie, qui a fait voter une loi régionale en ce sens, afin de permettre aux travailleurs de s’approprier leurs moyens de production.

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