Éducation à la sexualité : amputer les budgets, c’est priver les élèves

La présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, a opéré fin 2024 des coupes sèches dans les subventions, amputant tout soutien au Planning familial, dont l’équilibre financier est déjà précaire.

Mathilde Doiezie  • 29 janvier 2025 abonné·es
Éducation à la sexualité : amputer les budgets, c’est priver les élèves
À Nantes, le 18 janvier, les 50 ans de la loi Simone Veil commémorés.
© Jean-Francois Fort / Hans Lucas /AFP

« Quand on voit tout le travail qu’il y a déjà à faire avec les jeunes que je rencontre, si je ne les vois plus, où iront-ils poser toutes leurs questions ? Et comment se rendront-ils compte qu’ils subissent des violences ou en font subir ? » Le coup est dur à encaisser. Émilie Deutsch, conseillère conjugale et familiale au Planning familial de Vendée, s’inquiète des répercussions à long terme des décisions prises par la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais.

Mi-octobre, quelques semaines avant de devenir vice-présidente du parti Horizons, l’élue de droite annonçait en grande pompe « un tour de vis sans précédent » dans le budget de la région, à la surprise de tous les acteurs locaux dont le programme pour 2025 était bien souvent déjà ficelé.

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Christelle Morançais faisait du zèle, souhaitant sabrer 100 millions d’euros, soit une amputation de 5 % de son budget, au lieu des 38 millions d’économies réclamées à la région par l’éphémère premier ministre Michel Barnier dans son projet de budget pour 2025. Si l’ambition des 100 millions d’euros d’économie a finalement été repoussée à l’horizon 2028, 82 millions d’euros d’économie, dès 2025, ont bel et bien été entérinés par sa majorité au conseil régional mi-décembre.

Parmi les secteurs touchés : la culture – dont les acteurs ont fait grand bruit au cours de manifestations –, mais aussi le sport, l’environnement ou l’égalité femmes-hommes. Et le Planning familial, association incontournable dans ce dernier domaine, a vu purement et simplement disparaître l’intégralité de la subvention de 66 700 euros que la région accordait à sa fédération régionale et à ses déclinaisons départementales.

C’est sa deuxième source de financement qui disparaît, représentant 23 % du total de son budget. Une volte-face d’autant plus étonnante que la collectivité avait signé quelques mois plus tôt une convention cadre dans laquelle elle renouvelait son soutien à l’association pour au moins quatre ans.

Au moins 2 000 élèves privés d’éducation

Ces coupes auront donc un impact concret : en 2025, au moins 2 000 élèves n’auront pas accès à une séance d’éducation à la vie affective et sexuelle, que l’association assure au sein de lycées publics, de lycées privés et de Maisons familiales et rurales (MFR). Soit près d’un sixième des élèves auprès desquels interviennent normalement les associations du Planning familial en Pays de la Loire.

« Un chiffre qui pourrait même facilement doubler », prévient Sandrine Mansour, coordinatrice de la fédération régionale. Les lycées publics, dont la gestion revient aux régions, ont en effet eux aussi vu fondre l’enveloppe dédiée à leurs actions éducatives, dans laquelle certains piochent pour financer ce type d’atelier.

Dans l’urgence, on fait l’effort de prendre des budgets qui servent à autre chose pour annuler le moins de séances possible.

B. Tessé

Cela signifie qu’au moins 2 000 élèves, voire le double, seront privés, à un âge charnière, d’échanger sur les notions de consentement, les maladies sexuellement transmissibles, la pornographie ou les violences conjugales qu’ils subissent déjà lors de leurs premières relations… Et ce malgré le caractère obligatoire de ces ateliers d’éducation à la vie affective et sexuelle, déjà largement insatisfait partout sur le territoire.

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La coupe de ces subventions, ce sont aussi des postes menacés, comme celui qu’occupe Sandrine Mansour, des achats d’outils pédagogiques en moins et, surtout, des frais de fonctionnement sur lesquels il faudra rogner, alors que les associations du Planning familial « ne sont déjà pas larges en termes d’argent », euphémise Bérengère Tessé, directrice du Planning familial de Loire-Atlantique.

Sébastien Vallée, directeur du Planning familial de la Sarthe, déplore ce nouveau caillou dans la chaussure, alors que « les Planning familiaux sont déjà en difficulté depuis 2021 ». La loi Ségur, adoptée après le covid, avait mis en place une revalorisation des salaires des soignants, élargie en 2024 à l’ensemble des personnels administratifs des établissements de santé et structures du lien social et familial.

« Je trouve ça super, car les salaires étaient bas. Mais l’État a décidé ça sans apporter aucune compensation financière. Aujourd’hui, non seulement nos subventions baissent, mais en plus nos charges salariales ont augmenté. » Rien qu’au Planning familial de la Sarthe, qui emploie 10 équivalents temps plein, cela signifie 50 000 euros de charges supplémentaires depuis 2021.

Bouts de ficelle

Alors chacune des déclinaisons départementales tente de s’ajuster avec des bouts de ficelle. Au Planning familial de Loire-Atlantique, les dons ont davantage afflué en fin d’année, après les annonces brutales des coupes budgétaires. De quoi mettre un pansement, mais cela reste loin d’être à la hauteur des subventions perdues et ne permet pas de voir sur le long terme. « Dans l’urgence, on fait l’effort de prendre des budgets qui servent à autre chose pour annuler le moins de séances possible, précise Bérengère Tessé. L’impact des coupes budgétaires se fera donc surtout ressentir en 2026. »

Ça ne va pas s’arranger si on ne peut plus continuer à faire de l’éducation.

S. Mansour

D’autant plus que le Planning familial s’inquiète aussi pour ses autres sources de financement. L’agence régionale de santé (ARS) anticipe une baisse de ses dotations de la part de l’État, alors qu’elle finance aussi le Planning familial. Pour se dédouaner, la région incite les associations à se tourner vers le privé. Si le Planning familial « n’a jamais été contre », souligne Sandrine Mansour, cela reste une gageure : « Il est plus difficile de convaincre une entreprise de soutenir des actions pour parler d’IVG et de contraception que de donner de l’argent à un club de basket ou aux Restos du cœur ».

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Sébastien Vallée s’inquiète aussi du court-termisme des liens avec le privé, contrairement au secteur public qui peut prendre des engagements sur plusieurs années, et de ce que les entreprises attendent comme retour en termes d’image de marque. Un affichage qui semble parfois se retrouver côté public… Sur son site, le conseil régional des Pays de la Loire affiche ses ambitions : « La concrétisation de l’égalité femmes-hommes et de la mixité dans tous les pans de la vie quotidienne, ainsi que la lutte contre les violences faites aux femmes, passe par la sensibilisation et la prévention ».

Contactée, Pauline Weiss, conseillère régionale UDI, déléguée à l’égalité femmes-hommes, n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations pour éclaircir la manière dont les ambitions de la région sur ce sujet s’incarneront désormais, sans le soutien aux acteurs clés du secteur de l’égalité femmes-hommes. Qui s’inquiètent, comme Sandrine Mansour : « Quand on voit les chiffres sur le sexisme et les violences qui augmentent, ça ne va pas s’arranger si on ne peut plus continuer à faire de l’éducation. »

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