Info Politis : À Nanterre, l’enseignant Kai Terada, muté de force, gagne sa réintégration contre le rectorat de Versailles

Muté « dans l’intérêt du service » en 2022 par le rectorat de Versailles, l’agrégé contestait vivement cette mesure « sans fondement », accusant l’administration de discrimination syndicale. Ce 9 janvier, la justice oblige le rectorat à le réintégrer.

Pierre Jequier-Zalc  • 9 janvier 2025 abonné·es
Info Politis : À Nanterre, l’enseignant Kai Terada, muté de force, gagne sa réintégration contre le rectorat de Versailles
Kai Terada, lors d'un rassemblement en sa faveur, en septembre 2022.
© Michel Soudais

C’est une victoire dont même l’intéressé, grippé ce jeudi, a du mal à saisir la portée. Après deux ans et demi d’un combat sans relâche, Kai Terada, professeur de mathématiques agrégé, vient d’obtenir gain de cause. Dans un jugement sans aucune ambiguïté, le tribunal administratif de Versailles lui a donné raison, obligeant le rectorat à le réintégrer dans son établissement d’origine, le lycée Joliot-Curie de Nanterre, dans un délai de six mois.

Revenons deux ans et demi en arrière. En septembre 2022, Kai Terada est alors professeur de mathématiques à Joliot-Curie depuis seize ans. Il est aussi particulièrement engagé sur son territoire : cosecrétaire de Sud Éducation dans les Hauts-de-Seine, investi dans le Réseau Éducation sans frontières, figure de proue du mouvement Touche pas à ma ZEP, qui luttait pour garder les lycées dans l’éducation prioritaire en 2016 et 2017.

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C’est dans ce contexte, qu’il reçoit, à la rentrée, un avis de suspension sans aucune justification. Un avis qui, rapidement, est suivi d’une « mutation dans l’intérêt du service ». A l’époque, Politis vous racontait en détail les justifications, plus que bancales, apportées par l’administration. Celle-ci considère alors ainsi que « le nom de Monsieur Kai Terada revient régulièrement comme participant activement en dehors des instances du dialogue social de l’établissement ainsi que de l’exercice normal d’une activité syndicale, à la dégradation du climat au sein de la communauté éducative ». Le tout, sans donner aucun fait précis et en reconnaissant même que « le comportement et les propos de Kai Terada ne sont pas constitutifs d’une faute de nature à justifier l’ouverture d’une procédure disciplinaire ».

« Un professeur irréprochable »

Dans la communauté éducative de Joliot-Curie – et bien plus largement -, cette décision avait suscité une très vive indignation, Kai Terada étant décrit par de très nombreux collègues comme quelqu’un de « calme », « d’intègre ». En résumé, « un professeur irréprochable ».

C’est d’ailleurs cette dichotomie entre une administration – incapable d’imputer le moindre fait précis à Kai Terada – et un nombre incalculable de témoignages en faveur de l’enseignant qui a convaincu le tribunal administratif de Versailles. Dans le jugement, que Politis s’est procuré, le tribunal juge ainsi que les notes produites par le rectorat « n’apportent, en tout état de cause, aucun élément quant à l’implication éventuelle de M. Terada dans les dysfonctionnement antérieurs ».

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« Alors que le recteur de l’académie de Versailles n’a produit aucun compte-rendu des témoignages évoqués […], M. Terada produit pour sa part de très nombreux témoignages de ses collègues ou anciens collègues […], y compris d’enseignants membres de la liste concurrente à celle sur laquelle il figurait lors des élections, louant ses qualités d’écoute et de dialogue et niant toute implication de sa part dans les tensions apparues au sein des équipes pédagogiques », poursuit le jugement.

Le jugement dit bien que le rectorat ne peut pas raconter ce qu’il veut pour muter ses personnels. Il est obligé de se justifier.

K. Terada

Contacté par Politis, Kai Terada a d’ailleurs voulu remercier, de manière appuyée, les nombreuses personnes – y compris ses anciennes directions – ayant témoigné en sa faveur. « Ce qui a été décisif, c’est la quantité phénoménale de témoignages que j’ai reçus. C’est grâce à eux, à mes collègues. Je mesure la chance d’avoir eu ce soutien. »

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L’enseignant de mathématiques souligne aussi son soulagement de voir une instance balayer les nombreuses accusations – parfois très violentes – du rectorat. « Le jugement dit bien que le rectorat ne peut pas raconter ce qu’il veut pour muter ses personnels. Il est obligé de se justifier, et ça, c’est très important. »

« La lutte n’est pas terminée »

Le tribunal administratif de Versailles oblige donc le rectorat à réintégrer Kai Terada à son poste au sein du lycée Joliot-Curie, dans un délai de six mois et à lui verser 1 800 euros. Actuellement professeur à Saint-Germain-en-Laye, au lycée Jean-Baptiste Poquelin, l’enseignant souhaite terminer l’année. « Je ne veux pas abandonner mes élèves en cours de route. Je souhaite finir l’année proprement et, ensuite, revenir à Nanterre », explique-t-il.

Malgré cette victoire importante, il rappelle aussi que de nombreux autres collègues subissent encore ce genre de répression. « La lutte contre la répression n’est pas terminée, loin de là », assure-t-il. L’enseignant pense aussi que le rectorat n’hésitera pas à faire appel de la décision. Mais celui-ci n’est pas suspensif et ne remettra pas en cause, pour l’instant, la décision du tribunal administratif de Versailles. Une victoire, pleine d’abnégation, sans appel donc.

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