L’antisémitisme, entre réalité et manipulation
80 ans après la libération d’Auschwitz, l’antisémitisme répand toujours son venin et n’est jamais excusable. Ce qui n’empêche pas de souligner la confusion criminelle que certains ont semée entre antisémitisme et antisionisme.
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« Les opinions publiques sont moins sidérées quand on leur parle des chambres à gaz qu’il y a 40 ans » Auschwitz : se souvenir du mal radical Auschwitz : « Le récit des rescapés dérangeait ou paraissait dément »Quatre-vingts ans après la libération d’Auschwitz, l’antisémitisme répand toujours son poison. Mais de quel antisémitisme parle-t-on aujourd’hui ? De celui, millénaire, d’Amalek dans la Genèse, qui attaque sans raison les fils d’Israël ? Non, l’antisémitisme, majoritaire si l’on ose dire, a des causes politiques, comme celui dont Hannah Arendt a proposé une magistrale analyse au travers de la relation que les juifs ont entretenu, depuis le XVIIIe siècle, avec les nationalismes.
L’antisémitisme qui nous préoccupe principalement, véritable ou manipulé, est étroitement lié au conflit israélo-palestinien. À tort ou à raison, il est confondu avec l’antisionisme qui n’est pas, selon la définition que nous défendons, la haine d’Israël, mais la résistance à ce colonialisme propre à l’histoire juive qu’est le sionisme. La question qui se pose avec une particulière acuité depuis le 7 octobre 2023 est donc celle de la corrélation entre cet antisémitisme et le conflit israélo-palestinien. Les chiffres devraient la rendre irréfutable.
La courbe statistique connaît des pics à chaque flambée de violence dans les territoires palestiniens.
La courbe statistique connaît des pics à chaque flambée de violence dans les territoires palestiniens, ces derniers mois, pendant les bombardements israéliens sur Gaza, comme en 2001, pendant la répression de la deuxième intifada. Cette corrélation est pourtant contestée par le président du Crif, Yonathan Arfi, dans un entretien au Monde des 6 et 7 octobre dernier. « Méfions-nous des fausses causalités », dit-il. Et il soutient que la montée de l’antisémitisme existerait, même si le conflit s’apaisait.
Mais les faits sont là. Les chiffres d’agressions antijuives n’ont jamais été aussi bas en France que pendant la période dite d’Oslo (1993-2000), c’est-à-dire quand la population palestinienne, et beaucoup de nos concitoyens, avaient l’espoir d’un règlement politique. Ils n’ont jamais été plus élevés qu’en 2023-2024 (1 572 actes recensés pour l’an dernier).
Que veut démontrer le président du Crif ? Que les dirigeants d’extrême droite d’Israël n’ont aucune part dans la montée de l’antisémitisme ? Que le « laisser faire » des capitales occidentales n’y est pour rien ? Qu’antisémitisme et antisionisme sont de parfaits synonymes ? Cynique détournement de la lutte contre l’antisémitisme devenue la ligne de défense de la politique coloniale d’Israël !
Il n’y a pas d’antisémitisme excusable.
À user de la qualification d’antisémitisme de façon frauduleuse, des responsables communautaires, des politiques, des médias ont semé une confusion criminelle. Leur manipulation est massivement pourvoyeuse d’antisémitisme. En invoquant trop souvent la Shoah à de très mauvaises fins, ils sont aussi des voleurs de mémoire. Pour autant, agresser ou insulter un juif de France en raison de la politique israélienne est insupportable. Il n’y a pas d’antisémitisme excusable.
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