Exclusif : comment l’administration Trump musèle les agences de santé américaines

Le ministère de la Santé américain a mis en place plusieurs mesures sévères dans ses organes fédéraux, dont l’arrêt de toute communication extérieure et l’interdiction des déplacements peofessionnels, comme le révèle un document que Politis a pu se procurer.

Thomas Lefèvre  • 26 janvier 2025 abonné·es
Exclusif : comment l’administration Trump musèle les agences de santé américaines
Donald Trump, à la Maison Blanche, à Washington, le 23 janvier 2025.
© ROBERTO SCHMIDT / AFP

« Le COVID-19 est fait pour attaquer les Caucasiens et les Noirs, […] les personnes les mieux immunisées sont les juifs ashkénazes et les Chinois ». Ces propos antisémites et racistes sont ceux de Robert F. Kennedy Jr, neveu de John F. Kennedy, dans une vidéo de 2023, révélée par le New York Post.

L’homme de 71 ans, ouvertement antivax et porte-parole de nombreux discours complotistes, a été désigné par Donald Trump en novembre dernier pour devenir le futur ministre de la Santé américain. Son audition au Sénat est prévue le 29 janvier prochain pour confirmer sa nomination. En attendant, le ministère subit déjà la marque de Trump.

La nouvelle administration a imposé une série de mesures aux agences fédérales américaines, dans une pluie de décrets signés dès les premiers jours du mandat du 47e président des États-Unis. Le ministère de la Santé et des Services Sociaux (Department of Health and Human Services) est tout particulièrement concerné.

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Les instructions reçues les 21 et 22 janvier sont draconiennes : suspension des communications externes, annulation de toutes les réunions prévues au sein des institutions, interdiction de tout déplacement professionnel pour une durée indéterminée, suppression des comités inclusion et diversité, ainsi que la mise en place d’un mail spécifique pour dénoncer les collègues récalcitrants.

Parmi les institutions sous tutelle du ministère de la Santé étasunien, on trouve : la FDA (Food and Drug Administration), chargé de la surveillance des médicaments et des produits alimentaires sur le territoire, les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention ou CDC) et les NIH (National Health Institutes, instituts nationaux de santé), responsables de la recherche médicale et biomédicale du pays.

Isolement des institutions

Pour toutes ses branches, le ministère a donc ordonné de mettre en pause toute communication à compter d’aujourd’hui et jusqu’au 1er février, pour l’instant. Cela concerne l’arrêt de la publication d’articles scientifiques et de rapports, y compris ceux sur la mortalité dans le pays, produit par la CDC.

Pourtant, trois d’entre eux étaient spécifiquement programmés cette semaine à cause de la récente multiplication des foyers de contamination de grippe aviaire H5N1 aux États-Unis, selon le Washington Post. Cette interruption concerne également l’émission de nouvelles réglementations, la mise en ligne de contenus sur les réseaux sociaux, les mises à jour des sites web avec de nouvelles données de santé publique, la parution de communiqués de presse, etc.

Pour outrepasser ces nouvelles directives, « toute exception doit être demandée et approuvée par des personnes nommées par le président ». C’est ce qu’on apprend dans une note rédigée par le bureau de représentation de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) en Amérique du Nord à l’attention des équipes françaises de l’institut, et que Politis a consultée en exclusivité.

Nos contacts nous font part d’un état de sidération considérable.

Inserm

« Nos contacts aux NIH ont partagé oralement avec nous plusieurs courriels reçus de la part du HHS mentionnant l’ensemble des restrictions qui leurs sont imposées. Ils nous font part d’un état de sidération considérable », peut-on y lire. Toujours d’après la note, l’interdiction immédiate et pour une durée indéfinie des déplacements professionnels, concerne aussi le personnel actuellement à l’étranger. Ils auraient été notifiés « qu’ils sont tenus de rentrer sur le territoire américain au plus tôt. »

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« De telles mesures ne sont pas sans précédent dans le cadre d’un changement administration Cependant, certaines sont plus drastiques que par le passé, notamment le retrait des offres d’emploi, l’interdiction générale et immédiate des déplacements et la suspension des communications qui est inhabituelle par son ampleur et dont la durée sera probablement prolongée », précise le texte de l’Inserm.

Délation électronique

Comme on pouvait s’y attendre après le discours d’investiture de Donald Trump le 20 janvier, toutes les agences fédérales sont tenues de cesser toute opération en matière de « diversité, équité et inclusion ». La note de l’Inserm précise que « tout langage inclusif explicite ou implicite doit être banni ».

Comme dans le reste des agences fédérales américaines, un système de dénonciation des personnes qui ne respectent pas les nouvelles règles imposées par l’administration Trump a été créé. « Une adresse mail a été mise en place à cet effet (deiatruth@opm.gov) afin de recueillir rétroactivement (depuis le 5 novembre 2024) les initiatives suspectes en matière de diversité, d’équité et d’inclusion. Ces initiatives doivent être rapportées dans un délai de 10 jours, sous peine de sanctions. »

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Les auteur.ices de la note alertent aussi sur les « conséquences à court terme » de toutes ces restrictions. Certains scientifiques américains s’inquiètent même de l’impact à plus long-terme sur la société américaine, dans un article de Nature. En ajoutant à cela la sortie des États-Unis de l’Organisation mondiale de la Santé le 21 janvier, la santé publique vient compléter la longue liste de secteurs placés en état critique par les nouvelles politiques trumpistes.

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