Donald Trump en croisade contre les personnes transgenres
La nouvelle administration états-unienne entame son mandat avec une série de mesures radicales, destinées à effacer l’héritage progressiste des années Biden. La Maison-Blanche s’emploie désormais à restaurer ce qu’elle appelle « les valeurs américaines ». Derrière ces décisions, Trump mène avant tout une attaque frontale contre les droits fondamentaux, dans un climat de haine exacerbée.
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Exclusif : comment l’administration Trump musèle les agences de santé américaines Trump, un dinosaure au secours des fossiles Avec le retour de Trump, les minorités craignent le pire Les contradictions israéliennes de Donald Trump« L’utilisation des ressources fédérales pour promouvoir l’équité marxiste, le transgendérisme et les politiques d’ingénierie sociale du Green New Deal (projets globaux d’investissement verts promouvant la justice sociale, N.D.L.R.) est un gaspillage de l’argent des contribuables qui n’améliore pas la vie quotidienne des personnes que nous servons. » Le ton est donné. Cette phrase provient du bureau du budget de la Maison Blanche.
Dans un document du 27 janvier 2025, publié par le Washington Post, Matthew J. Vaeth, directeur par intérim, demande ainsi à toutes les agences fédérales étasuniennes de suspendre temporairement toutes « les aides financières fédérales » concernant, entre autres, « l’aide financière à l’étranger, les ONG, DEI (diversité, équité et inclusion), l’idéologie de genre woke et le Green New Deal ».
« Renouveler les valeurs américaines »
Le 20 janvier, lors de la cérémonie d’investiture, Donald Trump avait déjà prévenu : « Cette semaine, je mettrai également fin à la politique du gouvernement qui tente d’intégrer la race et le sexe dans tous les aspects de la vie publique et privée ». Le jour même, dans une liste de « priorités » publiée sur le site officiel de la Maison-Blanche, le 47e président états-unien a exprimé le souhait de « faire du masculin et du féminin une réalité biologique et de protéger les femmes de l’idéologie radicale du genre », comme un exemple de la manière dont le nouveau gouvernement entend « renouveler les valeurs américaines ».
Ces « priorités » ont directement été suivies par plusieurs décrets. Une de ces premières mesures majeures a été la redéfinition fédérale du sexe, signée dès le jour de son investiture. Intitulé « Défendre les femmes contre l’extrémisme des idéologies de genre et rétablir la vérité biologique auprès du gouvernement fédéral », cet ordre exécutif stipule que le gouvernement fédéral ne reconnaît que deux sexes biologiques, masculin et féminin, en mettant de côté l’identité de genre pour de bon.
Le décret prévoit de supprimer le genre « X », introduit sous Joe Biden pour les personnes s’identifiant comme non-binaires sur les documents officiels. Désormais, les passeports et visas devront obligatoirement refléter avec « précision le sexe » assigné à la naissance.
Le document ordonne également aux prisons de veiller à ce « qu’aucun fonds fédéral ne soit dépensé pour une procédure médicale, un traitement ou un médicament dans le but d’accorder l’apparence d’un détenu à celle du sexe opposé ». Dans les prisons fédérales, les femmes transgenres devront être déplacées dans des prisons pour hommes.
Selon le Bureau fédéral des prisons (BOP), environ 1 500 détenues fédérales sont des femmes transgenres. En revanche, on compte 750 hommes transgenres parmi environ 144 000 détenus masculins. Des données fédérales de 2011 montrent que les prisonniers transgenres sont 10 fois plus susceptibles de signaler avoir été victimes d’agressions sexuelles que les autres prisonniers.
La chasse est ouverte
D’autres mesures concernent l’élimination des programmes de diversité, d’équité, d’inclusion et d’accessibilité (DEIA) dans les agences fédérales. Les employés de ces programmes ont été mis en congés forcés. Ces initiatives, mises en place sous l’administration Biden, avaient pour objectif de promouvoir un environnement de travail inclusif pour les minorités, dont les personnes LGBTQ+.
La Nasa, l’agence spatiale, est un exemple frappant de ce virage radical. « Nous prenons des mesures pour fermer tous les bureaux DEIA des agences et mettre fin à tous les contrats liés aux DEIA conformément aux décrets du président Trump », a ainsi annoncé l’agence spatiale. D’après le mémo interne, ces programmes « gaspillaient l’argent des contribuables et entraînaient une discrimination honteuse ».
Pour terminer, la Nasa lance une chasse aux sorcières en invitants les employés à la délation. « Si vous avez connaissance d’un changement dans la description d’un contrat ou d’un poste de personnel depuis le 5 novembre 2024 afin de cacher le lien entre le contrat et les DEIA ou des idéologies similaires, veuillez signaler tous les faits. » En cas de non-respect de cette consigne, les employés sont menacés de « conséquences négatives ». Un message du même genre a été envoyé à des milliers d’employés fédéraux.
Une armée sans « woke »
Dans l’armée, le président Trump a signé plusieurs ordres exécutifs qui vont encore plus loin que les mesures de son premier mandat. D’avril 2019 à janvier 2021, les personnes transgenres n’étaient plus autorisées à servir, avant que Joe Biden n’annule ces mesures. Aujourd’hui, l’une des ordonnances interdit de nouveau aux militaires transgenres de servir dans les forces armées américaines.
L’adoption d’une identité de genre incompatible avec le sexe d’un individu entre en conflit avec l’engagement d’un soldat à mener une vie honorable.
Ordre exécutif
« L’adoption d’une identité de genre incompatible avec le sexe d’un individu entre en conflit avec l’engagement d’un soldat à mener une vie honorable, honnête et disciplinée, même dans sa vie personnelle. » De fait, tous les programmes de DEI dans l’armée ont aussi été supprimés. Ces mesures reflètent, là encore, une volonté de réformer radicalement en rejetant ce qui est perçu comme « woke ».
Les mineurs en ligne de mire
Le 28 janvier 2025, Donald Trump a franchi un nouveau cap dans sa guerre aux minorités sexuelles et de genre en signant un décret exécutif intitulé « Protéger les enfants contre les mutilations chimiques et chirurgicales ». Le décret interdit l’utilisation de fonds fédéraux pour toute opération de changement de sexe chez les mineurs, qualifiant ces procédures de « mutilations », une rhétorique bien connue de l’extrême droite anti-LGBTQ+.
En réalité, les chiffres contredisent totalement le narratif alarmiste de l’administration Trump. Selon une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), les interventions chirurgicales chez les mineurs transgenres sont extrêmement rares.
En 2019, le taux de chirurgie était de 2,1 pour 100 000 mineurs âgés de 15 à 17 ans ; 0,1 pour 100 000 mineurs âgés de 13 à 14 ans et aucun cas recensé pour les enfants de 12 ans ou moins. De plus, les rares interventions concernent quasi exclusivement des mastectomies (1). Un groupe conservateur « antiwoke » avance le chiffre de 5 747 mineurs opérés entre 2019 et 2023. Un nombre qui, même s’il était exact, reste minime comparé aux 80 millions de mineurs aux États-Unis.
Enlèvement chirurgical, partiel ou total, d’un sein ou des deux.
Purge des informations
Dans ce mouvement contre les droits des minorités, l’administration Trump a fait disparaître de nombreux documents et informations. Sur le site internet du Département d’État des États-Unis, la page sur les droits LGBT est dorénavant vide (voir ici l’archive de décembre 2024). Toutes mentions des termes LGBTQ+ ont été supprimées du site de la Maison-Blanche, de même que des ressources sur le VIH, des pages sur l’inclusivité et des rapports sur l’équité.
Des suppressions similaires ont été constatées sur divers sites fédéraux. Le National Institute of Food and Agriculture a, par exemple, vu sa page DEIA (archive de novembre 2024) disparaître du jour au lendemain. Cette stratégie, loin d’être un simple ajustement administratif, relève d’une volonté délibérée d’effacer des décennies de progrès en matière de droits civiques.
En sacrifiant les droits des personnes LGBTQ+ sur l’autel de la politique identitaire, Trump cherche à galvaniser sa base conservatrice, quitte à piétiner des principes fondamentaux de démocratie et de transparence. Selon Reuters, des organisations de défense des droits des personnes transgenres prévoyaient de lancer une action en justice le 28 janvier pour contester le décret du président américain Donald Trump visant les militaires transgenres.
De plus en plus de violences
Aux États-Unis, le groupe de défense des personnes LGBTQ+ Human Rights Campaign (HRC) estime qu’environ 1,6 million de personnes âgées de 13 ans et plus s’identifient comme transgenres. Les violences et intimidations contre les personnes LGBTQ+, comme la fusillade du Club Q, en novembre 2022, ou des interruptions d’événements par des groupes extrémistes, illustrent un climat de haine croissant. En décembre 2024, Trump a annoncé lui-même vouloir « mettre fin au délire transgenre ». Cette stigmatisation entraîne des taux élevés de dépression, d’anxiété et de suicide chez les jeunes transgenres et non binaires.
Selon le Trevor Project, organisme de soutien aux jeunes personnes LGBTQ+, 39 % de ces dernières ont sérieusement envisagé de tenter de se suicider au cours de l’année dernière. Toujours d’après lui, « 90 % des jeunes LGBTQ+ ont déclaré que leur bien-être avait été affecté négativement par les événements politiques récents ». En 2023, le pays a enregistré plus de 2 800 crimes liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, selon les données du FBI. En dix ans, le nombre de crimes de haines contre les personnes transgenres a été multiplié par dix-sept.