« Another Mississippi Sunday Morning », par-delà les grillages

Apparu en 1901, le Mississippi State Penitentiary (MSP) compte parmi les principaux centres pénitentiaires de haute sécurité aux États-Unis. S’étendant sur 73 km², il peut accueillir près de 5 000 détenus, uniquement des hommes (noirs en grande majorité), parmi lesquels des condamnés à mort. Communément appelé Parchman Farm, il a longtemps servi avant tout d’exploitation agricole fonctionnant avec une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. Cet esclavagisme d’État a pris fin seulement dans les années 1970, sous l’effet du mouvement des droits civiques.

Emblématique à la fois de la ségrégation raciale et de l’asservissement capitaliste, le MSP, où les chants de travail ont longtemps été pratiqués par les prisonniers, porte aussi en lui une importante histoire musicale. Plusieurs musiciens sont passés entre ses murs, dont Son House et Bukka White, deux maîtres du blues du Mississippi, le second ayant signé en 1940 l’iconique « Parchman Farm Blues ». Les ethnomusicologues John et Alan Lomax y ont réalisé des enregistrements dans les années 1930-1940.

Vibrant florilège

Cette tradition musicale se perpétue en beauté grâce à Ian Brennan, mélomane voyageur, qui a produit de nombreux albums liés à des explorations sonores dans des pays variés. Il a notamment conçu un album (Zomba Prison Project, 2015) à partir d’enregistrements réalisés dans une prison de haute sécurité au Malawi. Depuis, après de longues tractations, il a également pu pénétrer à l’intérieur de Parchman Farm. De sa première incursion, en février 2023, a résulté Some Mississippi Sunday Morning, un vibrant florilège de morceaux captés (sans retouche) un dimanche matin lors d’un office religieux spécial.

Un album mû en continu par la puissance vitale de l’espérance.

Lui succède maintenant Another Mississippi Sunday Morning, fruit d’une nouvelle session dominicale, début 2024, à laquelle ont participé douze détenus âgés de 23 à 74 ans. Aussi brut et remuant que le premier, ce deuxième volume propose treize morceaux – a cappella, ponctués de percussions minimalistes ou encore accompagnés à l’orgue ou au piano – qui gravitent dans la sphère blues-soul-gospel, hormis « MC Hammer », superbe prototype de rap hyper organique interprété en duo.

La fervente incantation solo « Open The Floodgates of Heaven » bouleverse avec une intensité particulière tandis que la complainte chorale « Jesus Never Say No », pleine de swing, offre une conclusion étonnamment légère et enjouée à cet album mû en continu par la puissance vitale de l’espérance.