2025, année à hauts risques politiques
La démocratie française est malade de sa Ve République, le gouvernement de François Bayrou a l’assise parlementaire la plus fragile depuis soixante ans, certaines oppositions rêvent d’une démission d’Emmanuel Macron… La nouvelle année nous réserve certainement quelques surprises.
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Scénario 1 : Le gouvernement de François Bayrou ne passe pas l’hiver. Pas impossible…
À peine nommé, déjà parti ? Voilà peut-être le destin de François Bayrou et de son équipe. Sans accord de non-censure, recyclant de très nombreux ministres macronistes dans son exécutif, échouant à tenir sa promesse d’ouverture aux autres forces politiques, le premier ministre de 73 ans se retrouve dans la même situation précaire que son prédécesseur, Michel Barnier. Mais lui y croit.
« Le premier ministre a dit qu’il y avait un chemin, assure la nouvelle porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, en sortie du conseil des ministres le 3 janvier. Le chemin que nous essayons de trouver, au-delà des postures politiques des uns et des autres, c’est d’engager des discussions avec chacun des groupes politiques et des parlementaires. »
Pour le moment, ce « chemin » est encore très flou. Les échanges entre la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, et le ministre de l’Économie et des Finances, Éric Lombard, et les groupes parlementaires ont commencé de façon informelle le 30 décembre. Mais les oppositions de gauche ne semblent pas pour le moment motivées à l’idée de travailler avec l’exécutif, tant François Bayrou apparaît toujours comme un défenseur obstiné du bilan macroniste.
Nous verrons qui est dans l’opposition et qui cherche à protéger Macron.
A. Le Coq
Les insoumis sont les premiers à avoir coché la date du 16 janvier, jour de l’examen de la motion de censure qu’ils auront déposée deux jours plus tôt, dès que François Bayrou aura fini son discours de politique générale, qui devrait présenter les « principales orientations » de la copie budgétaire du gouvernement, selon Sophie Primas. « Le gouvernement peut tomber dès le 16 janvier à la suite de ce que le premier ministre lui-même a qualifié de vote de confiance, annonce le député La France insoumise (LFI) Aurélien Le Coq. Nous verrons qui est dans l’opposition et qui cherche à protéger Macron. »
La motion de censure insoumise sera-t-elle soutenue par l’ensemble du Nouveau Front populaire (NFP) ? Écologistes et communistes pourraient suivre. Reste à connaître l’attitude des socialistes, plus ouverts aux négociations. « Mêmes causes, mêmes effets », prévenait toutefois Arthur Delaporte, porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée, au soir de la motion de censure de Michel Barnier.
Comprendre : un nouveau premier ministre macroniste ou issu de la droite à la tête d’un gouvernement d’alliance entre le bloc central et la droite entraînerait la défense de la censure par le groupe socialiste. Avec François Bayrou, qui a placé son gouvernement sous la surveillance du Rassemblement national (RN), la situation n’a pas vraiment changé.
Mais encore faut-il que le RN soit dans le même état d’esprit. Si Marine Le Pen assume de plus en plus ses envies de présidentielle anticipée, il n’est pas certain que la triple candidate à l’élection suprême, soucieuse de ne pas être considérée comme responsable de la « bordélisation » de la vie politique, puisse censurer ce gouvernement moins d’un mois après sa nomination. Peut-être attendra-t-elle les débats autour du budget quelques semaines plus tard pour inciter ses troupes à le faire.
Le gouvernement tombera car son orientation et sa composition incarnent la continuation du macronisme.
B. Lucas
« La situation politique est incertaine, je me garderai de faire des pronostics sur le moment de la chute du gouvernement. Mais il tombera car son orientation et sa composition incarnent la continuation du macronisme », assure quant à lui Benjamin Lucas, porte-parole du groupe Écologiste et social à l’Assemblée.
Scénario 2 : François Bayrou arrive miraculeusement à négocier un budget. Vraisemblable…
Un accord budgétaire avec la gauche paraît difficile à trouver tant François Bayrou semble inflexible sur la demande phare du NFP, c’est-à-dire l’abrogation de la réforme des retraites. Le gouvernement serait prêt à en discuter, sans envisager la suspension de ce texte impopulaire. « C’est le gouvernement qui a évoqué la question des retraites lors de la réunion du 6 janvier à Bercy ; ils ont dit qu’ils travaillaient à des évolutions, ça signifie que c’est sérieux. On a montré notre bonne volonté, on a senti une bonne volonté de leur côté. Est-ce qu’il y a un chemin ? Je ne sais pas », souligne le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner.
Nous souhaitons des avancées, un dialogue fructueux qui, jusqu’ici, n’a jamais eu lieu.
O. Faure
« Nous ne sommes pas prêts à nous vendre. S’il n’y a pas de concessions remarquables pour les Français, nous sommes prêts, à nouveau, à prendre nos responsabilités, y compris par la censure. Nous ne le souhaitons pas, nous souhaitons des avancées, un dialogue fructueux qui, jusqu’ici, n’a jamais eu lieu », défie pour sa part le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure.
De son côté, l’exécutif ne souhaite pas modifier la philosophie budgétaire de la copie soutenue par Michel Barnier. Dans La Tribune dimanche, le 28 décembre, Éric Lombard estime que les éventuelles hausses d’impôt devront être « très limitées » et qu’il faudra « des économies supplémentaires ». « Ceux qui pensent que l’on peut tout résoudre par les seules hausses d’impôts sont déconnectés de la réalité », affirme dans Le Parisien, le 6 janvier, Amélie de Montchalin.
Si le gouvernement veut donc faire voter son budget sans accepter le résultat des débats parlementaires et les propositions de la gauche, il devra logiquement se tourner vers le RN et entendre sa liste de courses : suppression de la surtaxe sur l’électricité, baisse du remboursement des médicaments, annonce d’une réforme de l’aide médicale d’État (AME), nouvelles mesures contre l’immigration illégale, etc.
Pour le moment, François Bayrou a déjà annoncé une nouvelle loi immigration. Une manœuvre lui permettant d’espérer trouver une majorité sur les orientations principales d’un texte budgétaire ou, a minima, empêcher les troupes de Marine Le Pen de signer une nouvelle motion de censure en cas de passage du budget à coups de 49.3.
« L’exécutif va devoir changer de méthode, écouter et entendre les oppositions pour construire un budget qui prenne en compte les choix exprimés dans les urnes. Dans l’attente de l’alternance, nous saurons lui rappeler que rien ne peut se faire et se décider dans le dos de onze millions de Français », a prévenu sur X Marine Le Pen, au soir de la nomination du gouvernement.
Scénario 3 : François Bayrou n’arrive pas à se sauver lors du budget. Plausible…
En décembre, le RN a montré qu’il était prêt à en demander toujours plus et qu’il ne craignait pas de voter une censure. Les lepénistes pourraient le faire une nouvelle fois, s’ils veulent sanctionner la copie budgétaire du gouvernement de François Bayrou. Le bail du centriste de 73 ans pourrait donc prendre fin en février ou en mars.
Emmanuel Macron aurait alors plusieurs possibilités devant lui : nommer un premier ministre issu de la gauche ou une figure hors des partis qui serait chargée de composer un gouvernement technique en attendant la prochaine dissolution – qui pourrait intervenir à l’automne 2025. Même si le locataire de l’Élysée a exclu cette dernière hypothèse lors de ses vœux télévisés du 31 décembre – « l’Assemblée actuelle représente le pays dans sa diversité, et donc aussi dans ses divisions », a-t-il reconnu –, il aura la possibilité d’appuyer sur le bouton nucléaire en juillet et de convoquer de nouvelles élections législatives durant l’été ou au retour des vacances, en septembre.
La gauche saura-t-elle s’unir une nouvelle fois ? Le bloc central sera-t-il capable d’appeler au front républicain ? Une mobilisation importante des électeurs permettra-t-elle d’éviter le péril de l’extrême droite au pouvoir ? Durant cette campagne, une bataille des récits aura lieu entre tous les partis qui devront justifier leur choix d’imposer à la vie politique française une nouvelle période d’instabilité. Aux yeux des électeurs, qui sera le plus responsable de la situation ?
Scénario 4 : Emmanuel Macron lance un référendum et s’expose à une démission. Hypothétique…
Lors des traditionnels vœux de fin d’année, Emmanuel Macron a laissé entendre qu’il pourrait demander aux Français de « trancher certains sujets déterminants ». Formule énigmatique. Conventions citoyennes ? Référendum à une ou plusieurs questions ? Le dernier référendum organisé en France date d’il y a vingt ans. Il portait sur le traité constitutionnel européen et son résultat n’a pas été respecté par les gouvernements successifs.
Il n’y a qu’une solution, c’est la démission ou la destitution du chef de l’État pour dénouer la crise.
G. Amard
Une plaie indélébile pour les Français, voire un tournant démocratique. Un référendum serait donc un pari risqué pour le président. Car ce vote peut très vite être interprété comme un plébiscite pour ou contre le chef de l’État. En perdant son référendum, le président serait très fragilisé. Au point de démissionner ? En 1969, après avoir été mis en minorité lors de la consultation sur la réforme du Sénat et la régionalisation du pays, Charles de Gaulle a quitté son poste.
Jean-Luc Mélenchon, qui aspire à se lancer dans l’aventure d’une quatrième candidature à la présidentielle, rêve de ce scénario. « Nous sommes prêts face à cette situation de blocage et de non-respect du vote des Français qui, par trois fois cette année, a rejeté sa politique. Il n’y a qu’une solution, c’est la démission ou la destitution du chef de l’État pour dénouer la crise, prévient Gabriel Amard, député LFI et proche de Jean-Luc Mélenchon. Nous persistons à mobiliser en faveur d’une élection présidentielle anticipée. » Mais il n’est pas le seul à le vouloir. Le 31 mars, jour du verdict du procès FN-RN, Marine Le Pen sera fixée sur son sort et pourrait bien commencer à faire campagne. Un scénario à l’issue encore incertaine.