Quels moyens pour la Sécurité sociale ?
Des députés du groupe Écologiste et social suggèrent de dégager plusieurs milliards de recettes supplémentaires pour sauver notre système de santé et de nombreuses vies.
Près d’un tiers des établissements hospitaliers déclarent des « incidents graves » liés aux surcharges d’activité dans les hôpitaux. Est-ce normal ?
Le 8 janvier, une patiente de 20 ans meurt aux urgences de Longjumeau, après des heures d’attente. Le 11 janvier, une femme de 26 ans meurt aux urgences de l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges. Est-ce normal ?
Cet été selon les syndicats, certains patients ont été contraints d’attendre 70 heures aux urgences de Nantes avant d’être transférés dans un autre service. Est-ce normal ?
Notre système de santé est à bout de souffle et nous en connaissons les causes. Près de 5 000 lits ont été fermés dans les hôpitaux en 2023. Depuis 10 ans, 43 000 lits ont été perdus, soit plus de 10 % de l’offre de soin hospitalière. Est-ce normal ?
Objectif national de dépense pour l’assurance maladie.
Lorsque nous l’avons rencontré, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, a reconnu la situation dramatique de l’hôpital et de l’offre de soins en général et admis qu’il fallait augmenter l’ONDAM (1). Dans le même temps, la ministre déléguée aux Comptes publics, Amélie de Montchalin, expliquait qu’il n’y aurait pas d’augmentation des recettes, à l’exception d‘une hypothétique taxe sur les mutuelles, pour compenser la non-augmentation du ticket modérateur. La conséquence assumée par le gouvernement d’une maigre augmentation de l’ONDAM, sans augmentation des recettes, est la hausse du déficit de la Sécurité sociale, qui pourrait dépasser 20 milliards d’euros en 2025. Est-ce normal ?
Une revalorisation largement insuffisante
Cette revalorisation annoncée de l’ONDAM est par ailleurs largement insuffisante au regard des besoins de financement de notre système de santé. L’augmentation prévue de 3,3 % qui a été promise au PS, est largement inférieure aux demandes de la Fédération hospitalière de France (+6 %) ou des syndicats de personnels (+10 %).
Il est nécessaire de revenir sur les 80 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales qui grèvent le financement de la Sécurité sociale.
Le mantra de ce gouvernement – comme de tous les précédents – est que nous ne pourrions pas augmenter les dépenses maladies et que nous serions donc ainsi condamnés à limiter les recettes de la Sécurité sociale. Rappelons que la dépense courante de santé est de 18,2 % du PIB aux USA, 12,6 % en Allemagne, 11,9 % en France et 11,3 % en Grande Bretagne. Nous nous inscrivons en faux donc sur ce constat.
Plus largement, les besoins de financement pour prendre en charge la dépendance et réviser la réforme des retraites exigent que nous dégagions des moyens supplémentaires nécessaires pour financer la Sécurité sociale. À cet égard, nous avons eu l’occasion de rappeler, lors de notre rencontre avec la ministre, les propositions que formulent le groupe Écologiste et social, dont certaines ont été votées à l’Assemblée nationale.
Deux mesures pour réduire les exonérations sociales
D’abord, il est nécessaire de revenir sur les 80 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales qui grèvent le financement de la Sécurité sociale sans produire pour autant les effets durables attendus sur la réindustrialisation, puisque notre déficit commercial n’a jamais été aussi abyssal (plus de 80 milliards d’euros fin 2024 !). Rappelons qu’il n’existe pas de liens entre efficacité économique et coût salarial. L’Allemagne a été pendant longtemps bien plus compétitive que nous à l’exportation avec un salaire brut moyen de 4 300 euros contre 3 400 euros en France. Ce sont les entreprises du CAC40 qui profitent à plein de ces exonérations de cotisations sociales et versent à leurs actionnaires des dividendes records depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, près de 98 milliards en 2024.
C’est pourquoi nous proposons deux mesures pour réduire les exonérations sociales. La première est de diminuer les exonérations sociales proportionnelles au revenu entre 1 et 2 Smic et supprimer ces exonérations au-dessus de deux Smic. Les entreprises qui emploient massivement des salariés au-dessus de deux Smic (2 800 euros net) n’ont pas besoin de ces exonérations pour embaucher les salariés. Cette mesure permettrait de dégager 13 milliards de recettes pour la Sécurité sociale. La deuxième est de supprimer les exonérations sociales pour les heures supplémentaires, ce qui rapporterait 2,5 milliards à la Sécurité sociale.
Contribution sociale généralisée.24,5 milliards de recettes supplémentaires
Nous proposons ensuite une augmentation de la contribution des revenus du capital, qui pour l’instant ne sont taxés par le biais de la CSG (2) qu’à hauteur de 9,2 %, en relevant ce taux à 12,5 %. Que l’on se rassure, les petits épargnants ne seraient guère touchés, par une telle mesure. Le livret A et le livret d’épargne populaire sont exonérés de CSG. Pour un épargnant avec un PEL au plafond soit 61 200 euros, la mesure lui coûterait 45 euros par an ! Cette mesure rapporterait par contre 5 milliards à la Sécurité sociale.
24,5 milliards de recettes supplémentaires
Nous proposons enfin de taxer les publicités et les produits qui conduisent à des addictions nocives pour la santé comme le sucre, l’alcool et le tabac. Ces différentes taxes directement affectées à la Sécurité sociale pourraient rapporter 6,5 milliards d’euros.
Au total c’est donc 24,5 milliards de recettes supplémentaires pour la Sécurité sociale que le groupe Écologiste et social propose pour sauver notre système de santé et de nombreuses vies. Cela permettrait de financer l’abrogation de la réforme des retraites au moins pour 2025, dont le coût est estimé à 3 milliards d’euros. Mais cela permettrait aussi d’alléger le budget de l’État en réduisant sa contribution au budget de la Sécurité sociale, une partie des exonérations de cotisation sociale étant actuellement compensée par le budget de l’État.
Réduire les dépenses par la prévention
Évidemment, il est aussi nécessaire d’agir sur les dépenses de santé. Sur le long terme cela passe d’abord par une planification écologique ambitieuse pour réduire les maladies liées à l’exposition aux pesticides et à la pollution de l’air. De nombreuses maladies professionnelles seraient évitables avec le respect du code du travail et une amélioration des droits des salariés, tout le contraire des lois travail votés sous Macron et Hollande. Des moyens pour une politique de prévention permettraient d’augmenter le taux de vaccination, notamment chez les soignants et les personnes vulnérables et de diminuer les comportements à risque liés au tabagisme, à l’alcoolisme ou la malbouffe. La multiplication de centres de santé publics dans tous les quartiers et sur tout le territoire limiterait l’explosion des frais de transport médical et le recours excessif aux urgences ou à des permanences de soins libérales plus onéreuses. Enfin, la création d’un vrai service public du médicament et le plafonnement des revenus dans les professions libérales de santé, limiterait l’augmentation indécente des salaires de certains médecins ou dentistes et des profits de certaines cliniques privées sur le dos de la Sécurité sociale.
Alors que le Haut conseil du financement de la protection sociale, dans une note du 17 janvier dernier, nous alerte sur la dégradation du déficit public des comptes sociaux, il y a urgence à trouver des ressources nouvelles pour pérenniser la Sécurité sociale. Les députés du groupe Écologiste et social y sont prêts !
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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