Gaza : la paix de Trump ne peut pas être durable
Le cessez-le-feu prochain de 42 jours est un soulagement, après quinze mois d’enfer et près de 50 000 morts dans l’enclave palestinienne. Mais les conditions dans lesquelles cette trêve a été obtenue inquiètent, et plus encore l’idéologie de son principal acteur, le futur président des États-Unis.
Il faut prendre pour ce qu’elle est, et sans barguigner, cette trêve, conclue au Qatar ce 15 janvier. C’est-à-dire d’abord une délivrance pour le peuple de Gaza après 15 mois d’enfer, et près de 50 000 morts. Et une bonne nouvelle, évidemment, pour les 33 otages israéliens qui vont être libérés et les mille Palestiniens qui vont sortir de prison où ils étaient détenus, souvent sans procès ni justice. Dans l’immédiat, que des bonnes nouvelles donc. Mais les conditions dans lesquelles cette trêve a été obtenue inquiètent, et plus encore l’idéologie de son principal acteur. C’est la paix de Trump. C’est lui et son envoyé spécial ultra pro-israélien qui ont convaincu Netanyahou de lâcher prise, en prenant le risque politique, pour l’instant en suspens, de briser son alliance avec les leaders d’extrême droite.
Dès le 16e jour, qui devrait être marqué par l’ouverture d’une négociation sur l’avenir de Gaza, tout est à craindre.
Si le premier ministre israélien a accepté de Trump, à la veille de son investiture, exactement ce qu’il refusait à Biden depuis le mois de mai, c’est en raison de sa proximité politique avec le nouveau président américain. C’est, on l’imagine facilement, avec la promesse d’un soutien de la Maison Blanche pour l’accomplissement du projet sioniste historique dont Netanyahou et ses alliés sont les porteurs. Au programme, sans nul doute, une annexion rampante ou brutale de la Cisjordanie. Aux antipodes d’une avancée vers un règlement en profondeur du conflit israélo-palestinien. On imagine que c’est le discours qui a été tenu aux extrémistes Ben-Gvir et Smotrich qui, 24 heures plus tôt, ne voulaient à aucun prix d’une trêve. Avec, qui plus est, la promesse d’un retour sur Gaza au premier prétexte.
Tout a été fait pour y préparer. Le discours tenu par Trump dans les heures qui ont précédé l’annonce de la trêve a mis exclusivement la responsabilité sur le Hamas. Trump ne va pas manquer d’affirmer que c’est sa menace de déchaîner l’enfer sur Gaza qui a fait céder le mouvement islamiste, alors que le blocage principal venait de Netanyahou. Celui-ci s’est empressé de dire que la guerre reprendrait après la première phase de l’accord, qui doit durer 42 jours. Dès le 16e jour, qui devrait être marqué par l’ouverture d’une négociation sur l’avenir de Gaza, tout est à craindre. On imagine que n’importe quel incident dans l’enclave palestinienne justifiera une remise en cause d’un cessez-le-feu d’une extrême fragilité.
Ce n’est pas seulement d’une trêve d’un mois et demi dont ont besoin les Gazaouis.
Dans quelles conditions l’armée israélienne va-t-elle se retirer de Gaza ? Dans quelles conditions la population pourra rentrer dans ses ruines du nord de l’enclave, comme le prévoit l’accord ? Que va-t-il se passer dans la zone frontalière avec l’Égypte ? Aujourd’hui, c’est un magnifique coup de communication de Trump, et c’est toujours bon à prendre. Ne serait-ce que parce que l’accord est assorti de la promesse d’entrée d’une aide humanitaire jusqu’ici entravée ou interdite. Mais la paix de Trump ne peut pas être rassurante, même pour l’avenir immédiat. Ce n’est pas seulement d’une trêve d’un mois et demi dont ont besoin les Gazaouis, mais d’une aide massive à la reconstruction de villes anéanties, et d’une solution politique permettant une réorganisation administrative et politique qui devrait exclure Israël.
C’est à ce 16e jour de la trêve que l’influence de l’Arabie saoudite pourrait être décisive. Ryad plaide pour une solution arabe, coiffée par l’Autorité palestinienne. Une solution qui risque de rencontrer l’opposition absolue des leaders des colons. Il faudra que Trump leur promette beaucoup pour les dissuader de provoquer une crise politique en Israël. S’il n’y parvient pas, ou s’il ne veut pas y parvenir, nous aurons assisté à un marché de dupes qui justifiera, aussitôt les otages libérés, la reprise d’un massacre que l’on peine à qualifier de « guerre ». La seule raison d’espérer réside dans la volonté de Trump de mettre l’Arabie saoudite de son côté pour étendre ses accords d’Abraham de normalisation des relations entre Israël et les pays du Golfe. Un accord qui n’est pas le problème des colons.
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