Les contradictions israéliennes de Donald Trump
Le 47e président des États-Unis a obtenu la réalisation d’un plan de cessez-le-feu à Gaza qui était prêt, dit-on, depuis le mois de mai. Une trêve menacée par son allié Benyamin Netanyahou, aujourd’hui sur un siège éjectable.
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Voilà donc Donald Trump réinstallé à la Maison Blanche. La veille de son investiture, il a prononcé, à Washington, un long soliloque de bonimenteur de foire, se vantant et se vendant comme un produit ménager. Un « Monsieur Propre » qui promet dès les premiers jours de sa présidence de « renvoyer à la maison » tous les immigrés clandestins, des « délinquants, dit-il, libérés de prison ou d’hôpitaux psychiatriques ». Lundi, au Capitole, ses hôtes français s’appelaient Éric Zemmour et Marion Maréchal. Tout un programme ! Dans son imaginaire, il est probable que les Palestiniens sont aussi des sortes d’immigrés, intrus sur la terre légitime d’Israël.
Netanyahou a dû enrager devant ces images d’Al-Jazira qui montraient au monde entier que le Hamas était toujours bien là.
C’est le discours du sionisme le plus extrémiste. C’est lui pourtant qui a imposé à Benyamin Netanyahou cette trêve de 42 jours qui a permis la libération de trois jeunes femmes, otages du Hamas depuis le 7 octobre 2023, et de 90 prisonniers palestiniens, détenus pour la plupart sans raison ni jugement. C’est lui qui a permis la réalisation d’un plan qui était prêt, dit-on, depuis le mois de mai. Trump avait besoin de cette victoire pour son jour d’investiture. Il avait besoin de ces images de retrouvailles entre trois jeunes femmes et leurs mères, de leurs larmes de joie, et de l’espoir retrouvé des autres familles d’otages qui attendent une deuxième vague de libérations pour le 25 janvier.
En revanche, il se serait sans doute bien passé d’autres images, tout aussi émouvantes pourtant, de familles palestiniennes retrouvant les leurs à Ramallah. Il aurait préféré ne pas voir les emblèmes du Hamas émergeant de la foule, ni, à Gaza, celles de ces militants islamistes ceints de leurs bandanas verts qui ont remis ostensiblement les trois jeunes Israéliennes aux médecins de la Croix-Rouge internationale. Plus encore que Trump, Netanyahou a dû enrager devant ces images d’Al-Jazira qui montraient au monde entier que le Hamas était toujours bien là, peut-être même déjà reconstitué. Près de cinquante mille morts, des centaines de milliers de blessés invalides à jamais, un territoire en ruines qu’il faudra au moins vingt ans pour reconstruire, pour un échec politique et militaire cinglant. Sans compter la déchéance morale de tout un pays.
On se gardera de parler d’une victoire du Hamas, mais, à coup sûr, c’est une défaite de Netanyahou. C’est la raison pour laquelle celui-ci s’est empressé d’annoncer que la trêve n’était que provisoire et que les bombardements reprendraient à la première occasion. Mais là encore, ce n’est pas l’avis de Trump, qui a claironné, menaçant, que « la trêve ferait mieux de tenir ». Voilà donc Netanyahou dans une position inconfortable. Son soutien le plus important, le fasciste Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité (sic), a donné sa démission, annonçant qu’il reviendrait si la guerre reprenait. Tandis que l’autre leader des colons, Bezalel Smotrich, a choisi d’attendre la fin de la première phase du plan de cessez-le-feu avant de décider de son maintien ou non au sein de la coalition.
Pour Netanyahou, la pression ne vient pas seulement de Trump, elle vient aussi d’une société israélienne fatiguée.
Pris entre Trump et ses alliés d’extrême droite, Netanyahou est sur un siège éjectable. Au passage, Ben Gvir, revanchard, a fait quelques confidences sur les manœuvres du cabinet israélien pour entraver la mise en œuvre du plan élaboré par le Qatar et l’administration Biden. Preuve que cette obstruction, qui a coûté des dizaines de milliers de vies palestiniennes, était moins le fait du Hamas que de dirigeants israéliens désireux de sauver leur pouvoir. Plus fâcheux encore pour Netanyahou, la pression ne vient pas seulement de Trump, elle vient aussi d’une société israélienne fatiguée, à laquelle il sera difficile de faire admettre que la guerre reprend, que d’autres jeunes soldats vont mourir, et que les derniers otages sont définitivement sacrifiés.
Mais le président américain, lui aussi, est face à ses contradictions. S’il reste évidemment un soutien déterminé d’Israël, désireux de favoriser le projet sioniste « from the river to the sea », il veut aussi le ralliement de l’Arabie saoudite aux accords d’Abraham qu’il avait lancés en 2020, et qui scelleraient la normalisation des relations entre l’État hébreu et la monarchie wahhabite. Or, le prince saoudien, Mohamed Ben Salman, veut, lui, que l’on fasse une petite place aux Palestiniens dans cette histoire. Mais quelle place, avec 750 000 colons en Cisjordanie, et tandis qu’à Gaza le Hamas reste le principal candidat au pouvoir ? On n’est pas loin de l’inextricable.
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