De Strasbourg à Fouesnant, des actions pour « désarmer Bolloré »
Du 29 janvier au 2 février, de nombreux militant·es se sont mobilisé·es partout en France pour dénoncer les activités néfastes du groupe du milliardaire Vincent Bolloré et son influence sur la montée de l’extrême droite dans le pays.
« Extrême droite, hydrocarbures. Bolloré nous pollue », « Non à l’empire du pire », « La bollo c’est dans les pâtes, pas dans les médias », « Bolloré casse-toi, la Bretagne t’aime pas ! » Des banderoles aux messages pleins d’humour et de radicalité ont été déployées dans de nombreuses villes de France, lors de la campagne « Désarmer Bolloré » qui a eu lieu du 29 janvier au 2 février.
À l’appel d’une centaine d’organisations (Attac, Solidaires, Action Justice Climat, Sud-Rail, Alternatiba, Action antifasciste Paris-Banlieue, Les Soulèvements de la Terre, SNJ-CGT, etc.), de multiples sites du groupe Bolloré ont été le décor de manifestations, d’actions de désobéissance civile, de bals, et d’opération de sensibilisation à destination du grand public. Cette campagne est en réflexion depuis le coup de massue reçu par la gauche cet été, au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale et des élections législatives.
Elle a été soigneusement pensée pour trouver un nom et des lieux à cibler qui incarnent la menace, désormais très proche, de l’extrême droite au pouvoir : Vincent Bolloré et toutes les branches de son groupe. En effet, l’objectif de cette campagne était de n’épargner aucun des secteurs clés de « l’empire Bolloré » qui a bien évolué au fil des décennies : extractivisme et énergies fossiles, agro-industrie, industries techno sécuritaires, conglomérat médiatique et culturel… Les organisateurs·trices de la campagne revendiquent « plus de 70 surgissements » à travers la France et la Belgique.
Les entrepôts pétroliers de Bolloré Energy ont ainsi été ciblés à Strasbourg, dans le Loiret, dans la Nièvre ou dans la zone du Futuroscope, près de Poitiers où une parade carnavalesque a réuni près de 300 personnes, malgré les menaces d’interdiction de manifester de la préfecture de la Vienne. À Tours, une opération antipub visait à informer que l’entreprise JCDecaux, omniprésente dans l’espace public, est membre du réseau Bolloré, à travers la société JCDecaux Bolloré Holding.
La collusion avec la recherche publique et les intérêts privés de Bolloré a été dénoncée par des rassemblements à Montpellier, où le Cirad travaille sur l’amélioration génétique de palmiers à huile, main dans la main avec la Socfin, qui détient des milliers d’hectares en Afrique et en Asie, et dont Bolloré est actionnaire minoritaire.
À Grenoble, des actions ont visé l’université où se trouve un laboratoire, partenaire de Blue solutions, firme de Bolloré spécialisée dans la recherche de nouvelles batteries au lithium. Ils dénoncent la mise à disposition de fonds publics au service d’une filiale « qui prospère sur la croissance exponentielle de la production de batteries » et donc sur l’extractivisme.
« Opération marque-pages »
Trois actions ont mis en lumière des activités moins connues du groupe Bolloré : les entreprises de production d’outils de contrôle et de traçage, regroupées au sein de la filiale Blue Systems. À Nantes, la façade de l’entreprise IER a été repeinte pour dénoncer ses technologies pour le traçage des biens et des personnes et l’automatisation des flux logistiques.
À Wavres, en Belgique, des personnes se sont introduites dans l’enceinte de l’entreprise Easier, une branche spécialisée dans le développement des technologies de surveillance, de traçabilité ou encore de contrôle aux frontières. À Besançon, de jeunes exilé.es de l’association Solmiré ont pris la parole pour dénoncer les conséquences du contrôle aux frontières, dont Easier participe à renforcer les dispositifs.
La mainmise politique de Bolloré sur les médias a été dénoncée au cours d’une action menant à la fermeture provisoire de l’École supérieure de journalisme de Paris, récemment rachetée par des investisseurs, dont Vincent Bolloré. Son emprise croissante sur la production culturelle a été mise en cause par des interventions devant les locaux de Hachette Livre à Vanves, de Larousse et Fayard à Paris et de Lelivrescolaire.fr à Lyon.
« L’opération marque-pages », lancée pendant les fêtes de fin d’année, a repris afin d’inonder les points Relay de plusieurs gares (Angers, Colmar, Mulhouse, Rennes, Poitiers, Sablé-sur-Sarthe…) L’idée : glisser clandestinement des marque-pages spéciaux dans les livres édités par Hachette, racheté par Vincent Bolloré. L’enseigne Relay, elle, avait été rachetée en 2022 par Vivendi appartenant à Vincent Bolloré.
Une action pour informer les lecteurs, soutenir les librairies indépendantes et promouvoir les maisons d’édition qui résistent à la standardisation. Des étudiant.es de l’école d’art EESI ont distribué plus de 20 000 flyers et marque-pages anti-Bolloré lors du festival international de BD d’Angoulême, malgré les interdictions de manifester dans les différents périmètres du festival.
Bal antifasciste
Le Finistère ne pouvait échapper à cette vague d’actions puisque Vincent Bolloré ne rate jamais une occasion de rappeler ses racines bretonnes. Le 2 février, un bal antifasciste au pied du manoir de Bolloré a réuni des centaines de personnes à Fouesnant, pour dire « Au revoir, Bolloré ! » et défendre une Bretagne ouverte et solidaire, soit l’opposé de ce qu’incarne le groupe Bolloré.
La croisade méthodique de Bolloré pour un nouvel ordre réactionnaire, climaticide est claire.
En juillet dernier, le média La Lettre a révélé que la surveillance de l’île du Loc’h, dans l’archipel des Glénan propriété de la famille Bolloré depuis un siècle, est assurée par une société directement liée à la « GUD connection » dont fait partie Marc de Cacqueray-Valménier, le leader de la section parisienne du groupuscule néofasciste et antisémite.
« La croisade méthodique de Bolloré pour un nouvel ordre réactionnaire, climaticide est claire. Avant de viser, il faut pointer. L’implantation de ses activités sous leurs diverses formes et firmes est désormais connue. L’impunité est terminée. Nous allons continuer à désarmer Bolloré et la menace fasciste », ont déclaré les coordinateurs·trices de la campagne dans un communiqué de presse.
En effet, cette première salve d’actions pourrait en appeler d’autres au printemps. Le monde de l’édition s’active pour la publication d’un recueil de textes coédités par une trentaine de structures éditoriales indépendantes, intitulé Déborder Bolloré. Des chercheur·euses, imprimeur·euses, d’éditeur·tices et libraires (1) tentent à leur façon de trouver des réponses à une question primordiale aujourd’hui : comment faire face au libéralisme autoritaire dans le monde du livre ?
AFRIKADAA, Association Presse Offset, Bibliothèque de nuit Fifi Turin, Cosmic Studios, éditions Exces, éditions Burn~Août, Éditions Divergences, Éditions Les Prouesses, Éditions Winioux, Hématomes Éditions, La Dispute, La Lézarde, Les éditions sociales, Matière Grasse, Maison trouble, Même pas l’hiver, RAG Éditions, Rotolux Press, éditions MagiCité…
Sur le terrain, le collectif « Levons les voiles » a d’ores et déjà annoncé le retour de son armada navale sur les flots le 24 mai, « en vue de libérer l’archipel des Glénan de la bollosphère ». Le rendez-vous est pris à Concarneau.