Cannabis : quelles stratégies de prévention ?

Face à l’échec des politiques répressives et à la persistance d’un marché illégal florissant, la légalisation du stupéfiant s’impose toujours comme un débat inévitable en France. Pour de nombreux acteurs, cette réforme doit s’accompagner d’informations sur les risques et d’une redéfinition des pratiques répressives.

Maxime Sirvins  • 5 février 2025 abonné·es
Cannabis : quelles stratégies de prévention ?
© Paul Einerhand / Unsplash

La légalisation du cannabis enjoint de dépasser l’approche punitive pour traiter la consommation comme un enjeu de santé publique. À gauche, la réflexion la plus aboutie se trouve du côté des Écologistes ou encore de La France insoumise, qui propose, dans son livret thématique récemment actualisé, de renforcer les moyens de prévention via l’éducation et la suppression des amendes forfaitaires délictuelles.

Il faudrait aussi, selon le mouvement insoumis, «confier le pilotage de la politique de lutte contre les addictions et les trafics de drogues en cotutelle aux ministères de la Santé et de l’Intérieur». Il s’agit de renforcer les dispositifs existants, comme les centres de soins et d’accompagnement, tout en intégrant des programmes de prévention dès l’école. Inspirée des modèles portugais et canadien, cette approche vise à réduire les risques liés à la consommation, notamment chez les plus jeunes et les consommateurs vulnérables.

Le rôle clé des associations

Les associations sont aussi des acteurs incontournables, comme Aides, NORML France ou le Circ. Ces structures mènent des actions de terrain sur la réduction des risques et le soutien aux usagers, loin des préjugés. Elles plaident également pour des modèles de régulation éloignés des logiques purement marchandes, comme les Cannabis Social Clubs, prônant une production collective et contrôlée.

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Dans un communiqué publié à l’occasion de la journée internationale « Support. Don’t Punish », en juin 2021, Aides plaide pour la légalisation de toutes les drogues, estimant que les politiques répressives actuelles, en vigueur depuis 1970, sont « inefficaces et coûteuses ». L’association souligne que ces politiques mettent en danger la santé des usagers, avec « une prévalence de l’hépatite C chronique atteignant 30 % chez les consommateurs de drogues injectables». Aides appelle à un changement radical vers une politique de réduction des risques, jugée plus efficace pour la santé publique et la lutte contre les transmissions du VIH.

La répression, pilier de la politique française depuis des décennies, n’a pas freiné la consommation alors que d’autres pays voisins ont fait le choix de la dépénalisation, voire de la légalisation. D’après le rapport européen sur les drogues de 2024, la France se hisse en tête des pays les plus consommateurs de cannabis, avec près d’une personne sur deux (47,3 %) ayant déjà fumé au moins une fois dans sa vie.

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L’amende forfaitaire délictuelle, sanction pénale créée en 2016 et étendue à l’usage de stupéfiants en 2020, illustre bien cette impasse : inefficace sur le plan sanitaire, elle renforce les discriminations, notamment dans les quartiers populaires. Pour les associations, la légalisation permettrait entre autres de désengorger les tribunaux et de recentrer les moyens sur la lutte contre le trafic organisé plutôt que contre les simples usagers.

Les leçons de l’étranger

L’expérience de pays comme le Canada, l’Uruguay ou plusieurs États des États-Unis offre des pistes de réflexion sur la gestion de la prévention après avoir ouvert la voie à la légalisation. Au Canada, par exemple, le gouvernement a mis en place des campagnes de sensibilisation s’adressant aux jeunes, avec des programmes éducatifs intégrés aux écoles et des messages de santé publique diffusés à grande échelle. L’accent est mis sur les risques liés à la consommation précoce et les effets sur la santé mentale.

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En 2001, le Portugal est allé encore plus loin en décriminalisant l’usage personnel de toutes les drogues et en privilégiant les soins plutôt que la répression. Cette politique a réduit l’usage chez les adolescents, les infections au VIH et les décès liés à la drogue, tout en améliorant le suivi pour addictions. Ces expériences étrangères montrent que la régulation publique peut réduire les inégalités tout en générant des revenus importants pour des politiques de prévention.

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Société
Publié dans le dossier
Stupéfiants : cultiver la prévention
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