Vers la récession ?

La Banque de France a révisé à la baisse ses prévisions de croissance. Celle-ci serait inférieure à 0,9 % et certains prévisionnistes craignent que la France ne plonge comme l’Allemagne.

Liêm Hoang-Ngoc  • 5 février 2025
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Vers la récession ?
© D koi / Unsplash

Au dernier trimestre, le chômage a augmenté de 3,9 % (soit 117 000 demandeurs d’emplois supplémentaires), comme aux pires moments de la crise de 2008. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit cette année 143 000 suppressions d’emplois et une remontée du taux de chômage à 8 %. Les fermetures de sites et les plans de licenciements se multiplient. Le nombre de défaillances d’entreprise (62 000) est en hausse de 18,1 % en un an, tandis que le nombre de plans sociaux a crû de 27 % (200 PSE en cours).

Dans le tertiaire, Casino, Pimkie, Auchan et Gifi sont concernés. Dans l’industrie, 21 000 emplois sont menacés. Des entreprises emblématiques de l’automobile, de l’industrie pharmaceutique et de la chimie sont touchées : Michelin, Sanofi, SG, General Electric, Arcelor Mittal, Bosch, Nexity, Vencorex, Solvay, Boiron, Valeo, etc.

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Les causes des restructurations et des fermetures d’unités de production sont d’une part liées à la stratégie financière des entreprises, d’autre part à la conjoncture morose les poussant à réviser leurs anticipations à la baisse. Dans le premier cas, nous sommes en présence de licenciements boursiers, devenus classiques dans les grands groupes dont la financiarisation impose aux dirigeants de délocaliser les segments de production les moins profitables pour maximiser le taux de marge et créer de la valeur pour l’actionnaire.

Sanofi et Michelin, en partie détenus par de grandes familles du capitalisme français, pourtant réputées pour leur paternalisme social, cèdent désormais aux mêmes sirènes qui guident les investisseurs institutionnels anglo-saxons dans leur navigation boursière. Dans le second cas, c’est l’insuffisance de demande qui pousse les entreprises à réduire leurs capacités de production sous-utilisées. Les résultats du commerce et de la grande distribution sont ainsi tributaires de la crise du pouvoir d’achat, consécutive à plusieurs décennies de modération salariale. L’industrie automobile souffre en outre d’une transition à pas de tortue vers le véhicule électrique.

La politique de l’offre défendue par les milieux d’affaires n’est pas parvenue à enrayer le mouvement de désindustrialisation amorcé il y a un quart de siècle.

La politique de l’offre défendue par les milieux d’affaires n’est pas parvenue à enrayer le mouvement de désindustrialisation amorcé il y a un quart de siècle. Alors que les syndicats réclament de conditionner les aides à l’industrie, le nouveau ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferraci, justifie la poursuite d’une politique qui déploie sans conditions des mesures fiscales réputées « favorables à l’attractivité du territoire ».

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Cette politique a certes contribué à redresser le taux de marge des entreprises, stabilisé à un pic historique de 33 %. Mais les bénéfices réalisés ont été majoritairement consacrés aux versements de dividendes et aux rachats d’actions, atteignant au total en 2024 le record de 100 milliards d’euros (dont 72,8 milliards octroyés aux dividendes, en hausse de 8,5 % en un an), sans que les profits d’hier ne soient les investissements d’aujourd’hui et les emplois de demain.

Dans ce climat morose (sauf pour l’actionnaire !), la Banque de France a révisé à la baisse ses prévisions de croissance. Celle-ci serait inférieure à 0,9 % et certains prévisionnistes craignent que la France ne plonge, comme l’Allemagne, vers la récession. Moins de croissance engendrant moins de recettes fiscales, les rentrées d’impôts et de cotisations sociales prévues par une éventuelle loi de finances à venir ne seraient, dès lors, pas au rendez-vous. Les déficits publics se creuseraient à nouveau, sans qu’une prétendue inflation de dépenses publiques n’en soit pour quoi que ce soit coupable.

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