« Le Mohican », une folie bergère

Frédéric Farrucci raconte l’histoire d’un éleveur de brebis s’opposant seul à la mafia.

Christophe Kantcheff  • 11 février 2025 abonné·es
« Le Mohican », une folie bergère
Un film sec comme un polar et innervé par l’existence de quelques îlots de résistance à la mafia.
© Koro film / Atelier de production / Les films Novoprod

Le Mohican / Frédéric Farrucci / 1 h 27

Après le prometteur La Nuit venue, dont l’action se déroulait à Paris, Frédéric Farrucci a situé son deuxième long métrage en Corse. C’est-à-dire chez lui. Pour autant, il est loin d’en faire un portrait complaisant. On comprend en quelques scènes de quoi il retourne : en bord de littoral, l’exploitation de Joseph, berger, échappe encore à la mafia, qui s’est adjugé toutes les terres alentour afin de les livrer à la spéculation.

Joseph refuse de vendre. Ça tourne mal. Le voilà en cavale, après qu’il a tiré sur un mafieux venu le relancer avec une arme sur lui. Qui dit cavale dit mouvement. Plongeant dans la clandestinité, Joseph parle peu. Alexis Manenti, tout aussi excellent que dans ses rôles précédents (Les Misérables, Le Ravissement…), interprète ce berger à la présence corporelle massive et au regard marquant à la fois la détermination et l’incompréhension de voir sa vie basculer ainsi.

Le film ne s’épanche pas non plus. Pour montrer la plaie de la côte corse, une course-poursuite suffit au cours de laquelle Joseph, parti de son exploitation, traverse une plage où les touristes sont en masse – notons que le dernier roman de Jérôme Ferrari, Nord sentinelle, dont Frédéric Farrucci est un ami proche, était une charge contre le tourisme.

Récit contradictoire

Autre personnage important du Mohican, Vannina (Mara Taquin), nièce de Joseph, est venue elle aussi passer des vacances insouciantes. Mais la disparition de son oncle la bouleverse, d’autant qu’elle constate que la mafia et la police sont de concert à ses trousses. Ainsi, découvrant peu à peu la vérité, elle poste des messages sur les réseaux sociaux qui, à l’aide d’un autre compte anonyme mais solidaire, deviennent viraux. Le film montre ainsi la nécessité de la construction d’un récit contradictoire et ses effets : au grand étonnement de Joseph qui découvre des portraits de lui un peu partout, son histoire s’est transformée en légende (celle du dernier des Mohicans) et son effigie en emblème.

Frédéric Farrucci signe là un film contemporain sans concession, ne faisant pas de la beauté des paysages – bien présente – un décor esthétisant, un film sec comme un polar et innervé par l’existence de quelques îlots de résistance à la mafia.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes