« From Ground Zero », du cinéma dans les décombres
Le film rassemble vingt-deux courts métrages réalisés par des cinéastes palestiniens à Gaza.
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© Les alchimistes
From Ground Zero / Collectif / 1 h 52.
Faire du cinéma à Gaza après le 7-Octobre, le pari était fou. C’est pourtant ce qu’ont réussi vingt-deux cinéastes qui ont réalisé autant de courts métrages. Ceux-ci ont été réunis sous le titre From Ground Zero par le réalisateur palestinien en exil Rashid Masharawi, qui, initiateur du projet, y a consacré un fonds de soutien. Devant la difficulté de la tâche – les bombardements, la rareté du matériel, l’approvisionnement aléatoire en électricité… –, ce sont des films de 3 à 4 minutes qui ont été réalisés. Des films au présent, racontant la situation des Gazaouis par les Gazaouis eux-mêmes et par les moyens du cinéma.
On ne peut qu’être étonné par la diversité créatrice. Les vingt-deux courts métrages empruntent à tous les genres : le documentaire, mais aussi la fiction, l’animation ou encore le film de marionnettes. Signe que les cinéastes ne cèdent rien de leur art malgré les conditions. Sauf cas de douleur extrême. Ainsi, la réalisatrice Etimad Whasha apparaît à la fin de son film, Taxi Wanissa, montrant les pérégrinations d’un taxi avec âne et cariole à travers une ville (Gaza City ?), pour dire qu’elle n’a pas eu la force de le terminer, ayant appris entre-temps la mort de son frère et de ses nièces et neveux sous les bombes.
Ne pas abandonner l’espoir et la beauté
Le film d’animation, Soft Skin, de Khamis Masharawi, a été réalisé avec des enfants dont les mères ont écrit les noms sur leur bras ou leur jambe pour qu’ils puissent être reconnus au cas où leur corps serait disloqué. Plusieurs films ont pour base le trauma de la disparition ou celui d’une vie dont les structures se sont écroulées, à l’instar des immeubles en ruine alentour. C’est le cas de cet enfant se rendant chaque jour devant la tombe de son professeur avec ses livres d’école (A School Day, d’Ahmed Al Danaf).
De cette jeune fille dont la maison a été bombardée, qui ne quitte plus ses écouteurs pour ne pas entendre les drones et dessine pour combattre son stress (Flashback, d’Islam Al Zeriei). De cet homme qui, miraculeusement, a échappé dans la même journée à trois écroulements de maisons où il se trouvait successivement, mais a ainsi perdu toute sa famille et plusieurs de ses amis (24 Hours, d’Alaa Damo). Dans ce film comme dans d’autres, des images prises avec un téléphone au moment du bombardement sont utilisées.
Nous avons tous besoin d’une thérapie pour supporter toute la douleur. Personne ne va bien.
D. El Shinawy
La réalisatrice Hana Eleiwa refuse d’abandonner l’espoir et la beauté, et filme des musiciens pour s’opposer « à tout ce qui nous détruit » (No). Il n’empêche. « Nous avons tous besoin d’une thérapie pour supporter toute la douleur. Personne ne va bien », dit l’écrivaine Diana El Shinawy dans Offerings, de Mustafa Al Nabih.
Pour aller plus loin…
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