« La Pampa », l’amitié pour toujours

Antoine Chevrollier signe un premier long métrage d’une richesse remarquable.

Christophe Kantcheff  • 4 février 2025 abonné·es
« La Pampa », l’amitié pour toujours
Le premier long métrage d’Antoine Chevrollier est ancré dans un milieu social populaire et dans un territoire qui mêle la douceur de l’Anjou, la beauté et l’âpreté de la Loire.
© Tandem

La Pampa / Antoine Chevrollier / 1 h 43.

Père disparu ou père écrasant. Celui de Willy (Sayyid El Alami) est mort d’une maladie il y a quelque temps ; celui de Jojo (Amaury Foucher), son entraîneur pour les compétitions de moto-cross, ne cesse d’être d’une exigence maximaliste sans jamais adresser à son fils un signe d’encouragement. Tel est l’un des motifs agissants de La Pampa, dont plusieurs sont construits en diptyque. Parce que Willy et Jojo, tout juste sortis de l’adolescence, forment un duo inséparable, deux amis à la vie à la mort.

Le premier long métrage d’Antoine Chevrollier est ancré dans un milieu social populaire et dans un territoire qui mêle la douceur de l’Anjou, la beauté et l’âpreté de la Loire. L’univers est masculin, moto-cross oblige, voire masculiniste, illustré par la séquence initiale où priment la montée d’adrénaline et la prise de risque sur une moto.

Émancipation

Mais, à cette donnée première, le film ne va cesser d’apporter de la complexité. Qui passe en particulier par le récit de la vie sentimentale des deux garçons. Celle de Jojo ne peut être que clandestine puis stigmatisante une fois celle-ci dévoilée contre son gré. Celle de Willy est hésitante et bute sur les effets d’une différence de classe sociale quand il rencontre une citadine, étudiante en art.

La construction du film est aussi passionnante, car il faut du temps pour voir émerger le personnage principal, même si la caméra incline assez vite à adopter le point de vue de Willy. Il ne monte pas sur la moto, n’est pas non plus un leader. Pourtant, sa présence s’affirme peu à peu (le jeune acteur qui l’incarne, Sayyid El Alami, y est pour beaucoup). Se dessinant d’abord en creux, sa personnalité éclate enfin, aussi par la force des choses (mais on n’en dira pas davantage), dans la deuxième partie du film.

Ce dont témoigne une scène de danse, qui s’échappe du réalisme pour, précisément, prendre une autre dimension. Willy s’émancipe de toute domination, notamment celle du père de Jojo (Damien Bonnard, toujours impeccable) et s’avère d’une bouleversante permanence en amitié. Film sur l’arrachement et le départ, la honte sociale et la nécessité d’être soi, le deuil et la fidélité, La Pampa est un premier essai au cinéma riche et maîtrisé.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes