« Les Damnés », la face cachée de la légende
Roberto Minervini montre sans idéalisation des soldats plongés dans la guerre de Sécession.
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© Okta film / Les Films du losange
Les Damnés / Roberto Minervini / 1 h 28.
Hiver 1862, en pleine guerre de Sécession. Une compagnie de l’armée de l’Union a été envoyée en reconnaissance dans des régions inexplorées. La caméra est comme « embedded » (embarquée), sans cesse au plus près des soldats. C’est d’abord la banalité du quotidien qui est montrée : les longs moments d’attente, les jeux de cartes ou de base-ball, les techniques pour faire le guet, l’inspection des toutes nouvelles armes qui sortent de l’usine… Cette ambiance initiale rappelle un peu celle du Désert des Tartares, mais rien ici n’est métaphysique. Le premier plan du film montre d’ailleurs des loups dépeçant le cadavre d’un cerf. On ne peut plus charnel.
Soudain l’ennemi frappe. Ses tirs nourris s’abattent sur la compagnie, qui réplique comme elle peut. Des soldats s’abritent derrière des souches d’arbre, certains sont blessés, d’autres meurent. Loterie morbide. Les Damnés, de Robert Minervini, ne comporte aucun lyrisme de guerre. La beauté n’en est pourtant pas exclue. Quand un vieux soldat se lave dans l’eau d’une rivière, renouant ainsi avec des gestes archaïques (et, de manière infinitésimale, avec une mythologie du western). Ou dans la relation que les hommes entretiennent avec les chevaux, emplie de douceur. Les sons de la nature sont aussi très présents, et le craquement des bottes dans la neige.
Les longs métrages précédents de Roberto Minervini – des documentaires (dont What You Gonna Do When The World’s On Fire) – attestent que la vie des hommes l’intéresse plus que tout, surtout lorsqu’elle est liée à la face sombre des États-Unis. Le cinéaste a situé sa première fiction dans une période historique déterminante pour ce pays, mais certainement pas pour en tisser une légende.
Paroles intimes
Face au risque mortel, les soldats en viennent à des paroles plus intimes. Sur la justification de leur enrôlement dans l’armée par exemple. Certains expliquent qu’ils cherchaient du travail. De plus jeunes sont là par esprit de famille (leur père est un gradé), l’un d’eux déclare qu’il veut devenir un héros. Un mot qui n’a pas sa place ici. Lors de ces discussions, toutes les illusions tombent. L’un des plus beaux échanges a lieu entre un soldat endurci et un adolescent. On assiste à un transfert d’expérience, où le premier explique comment on se sent homme à un garçon de 16 ans qui sera peut-être tué dans l’heure qui vient.
Les Damnés est un très beau film, qui n’est pas sans résonner, y compris formellement, avec La Dernière Piste de Kelly Reichardt. Les deux œuvres portent en effet la même morale nécessaire : rester vivant.
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